«Quand des lycéens me demandent pour quelle voie d’accès opter pour passer plus facilement le cap de la sélection, je ne sais que répondre. La multiplication des voies d’admission complique les choix pour eux et leurs parents», alerte Nicolas Pinsault, à la tête de l’École de kinésithérapie du CHU de Grenoble. La suppression en septembre dernier de la Paces (première année commune aux études de santé), d’où provenaient les trois quarts des étudiants admis en IFMK, Institut de formation en masso-kinésithérapie), n’est pas sans conséquences.

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Comme les candidats aux filières MMOP (médecine, maïeutique, odontologie, pharmacie), les aspirants kinés peuvent désormais opter pour l’une des deux nouvelles voies d’admission dans les formations médicales: le Pass, «parcours d’accès spécifique santé» avec une option d’une autre discipline, et la LAS, une licence avec une «majeure» en lettres, droit, psycho, gestion-économie, etc.… avec une option «accès santé».

Poursuivre ses études en cas d’échec

Si l’étudiant valide sa première année mais n’est pas admis en kinésithérapie, il peut poursuivre en deuxième année de la licence correspondant à sa «mineure» en Pass ou de la discipline choisie en «majeure» en LAS. Cette réforme a pour but de favoriser la poursuite d’études en cas d’échec, et vise à diversifier le profil des étudiants.

Mais les candidats à la kiné ont en plus du Pass et de la LAS la possibilité de passer par la licence de Staps (sciences et techniques des activités physiques et sportives) et la licence du domaine «Sciences, technologies, santé», sans option «accès santé». Par ailleurs, une licence «sciences, technologies, santé» ou Staps peut avoir été transformée elle-même en LAS par l’université.

Des conventions entre la fac et l’école de kiné

■ Comment les places ouvertes sont-elles réparties? «Les conventions signées entre l’institut de formation en masso-kinésithérapie (IFMK) et l’université partenaire précisent le nombre de places ouvertes aux étudiants issus des différents parcours de formation. Les étudiants issus du Pass ne peuvent excéder 50% du nombre de places autorisées par institut de formation», précise le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche.

Des étudiants m’appellent pour me dire qu’ils ont été mal informés 

Adam Diouri, président de la Fédération nationale des étudiants en kinésithérapie (FNEK)

Ainsi, à l’École de kinésithérapie du CHU de Grenoble sur les 54 étudiants qui seront admis à la rentrée prochaine, 17 proviendront du Pass, 4 de LAS, 13 de licences sans option «accès santé» alors que 2 places seront réservées à des sportifs de haut niveau. Et 18 aux redoublants de la Paces que la réforme n’empêche donc pas de conserver un droit à une seconde chance. Florian a opté pour le Pass, qui «permet de développer des capacités suffisantes pour poursuivre les études médicales», selon l’aspirant kiné lyonnais.

En cas d’erreur de voie, la détresse est énorme

Mais certains se sont parfois trompés de voie. «Des étudiants m’appellent pour me dire que parce qu’ils ont été mal informés, ils sont en licence de Staps qui ne permet pas d’avoir accès à la filière kiné au sein de leur université. La détresse psychologique est énorme», affirme Adam Diouri, le président de la Fédération nationale des étudiants en kinésithérapie (FNEK). Les universités doivent indiquer sur Parcoursup et sur leur site internet, l’ensemble des parcours de formation qu’elles proposent permettant cet accès. Car les licences de STAPS, Sciences, technologies, santé ou bien les licences avec option «accès santé» (LAS) ne permettent pas toutes partout un accès en kinésithérapie.

En réalité, personne n’y comprend rien 

Pascale Mathieu, la présidente du conseil national de l’ordre des kinésithérapeutes

En réalité, «plus personne n’y comprend rien, assure Pascale Mathieu, la présidente du conseil national de l’ordre des kinésithérapeutes. Il n’est pas trop tard pour revenir sur ces dispositions en nous alignant sur les filières MMOP, dotées de deux principales voies d’accès: le Pass et la LAS».

Deux oraux de 20 minutes

■ Comment va se passer la sélection en école de kiné pour les étudiants issus de Pass et de LAS?

Si certaines universités prennent en compte le contrôle continu, la plupart organisent des partiels, c’est-à-dire des examens écrits. Les étudiants qui ont obtenu des notes supérieures à un seuil défini par le jury seront directement admis. Parmi les autres, les meilleurs d’entre eux devront se présenter aux épreuves d’admissibilité, soit deux oraux de 20 minutes. Enfin, les moins performants seront considérés comme non admissibles.

«C’est plus simple de classer les étudiants en Pass (ex Paces) qu’en LAS (mineure santé), réagit Nicolas Pinsault. À Grenoble, on ne recrutera que quatre étudiants issus de LAS pour 2021 alors que plus de 20 parcours en LAS (psycho, éco, droit, philo... ndlr) conduisent à l’IFMK. Si le recrutement se fera bien sur le rang de classement des étudiants dans leur parcours, nous n’échapperons sans doute pas à la hiérarchisation des parcours eux-mêmes vu le ratio du nombre de places et du nombre de parcours possibles». En clair, un 15 en philo vaut -il un 15 en économie ou en physique?

■ Comment va se passer la sélection après une licence de Staps ou de sciences?

Pour ce qui concerne les étudiants issus des licences de Staps (sciences et techniques des activités physiques et sportives) et Sciences, technologies, santé, sans option accès santé, «on va regarder leur moyenne générale de leur année universitaire et recruter ceux qui sont en tête des classements, comme on le fait depuis presque 20 ans», poursuit Nicolas Pinsault.

Des études très chères même dans le public

Avant de s’engager dans cette voie les étudiants doivent aussi sortir leur calculette. Pour une formation qui dure quatre ans, les frais de scolarité à l’IFMK peuvent varier de 170 euros l’année à 9250 euros (à l’École d’Assas à Paris). «Ces disparités sont d’une injustice incroyable», estime Pascale Mathieu. De plus, Adam Diouri souligne que «tous les IFMK publics ne sont pas à frais universitaires, ce qui correspond à 170€ en licence et 243€ en master. Un étudiant en IFMK public paye en moyenne un millier d’euros par an. À Brest, la facture se monte à 6000 €». La FNEK appelle à mettre fin à ce grand écart des frais de scolarité entre les établissements qu’ils soient publics ou privés.

Beaucoup d’étudiants s’endettent

Selon l’organisation étudiante, 25% des étudiants en kiné ont contracté un prêt auprès d’une banque qui peut aller jusqu’à 50 000€. «L’endettement prive les jeunes diplômés de leur liberté d’installation. Ils optent pour le secteur libéral qui leur permet de rembourser l’emprunt au plus vite plutôt que pour l’hôpital», reprend Adam Diouri.

Ces étudiants qui choisissent d’étudier à l’étranger

Ni la sélection drastique, ni ces frais de scolarité n’entachent la motivation de Florian. En cas d’échec en France, il envisage de tenter le tout pour le tout en Roumanie. De nombreux aspirants kinés français continuent de partir se former à l’étranger (Roumanie, Espagne…) Parmi les kinésithérapeutes inscrits pour la première fois à l’Ordre en 2019, environ 40% détiennent un diplôme obtenu en Europe. Sur l’ensemble des professionnels, 22 000 détiennent un diplôme obtenu dans un pays européen hors France, 13 000 sont de nationalité française, soit 60%.

«Le meilleur côtoie le pire»

«Pour deux étudiants qui arrivent à intégrer un IFMK en France, un est contraint de partir à l’étranger pour se former faute de places en France. Ces étudiants sont la plupart du temps brillants, avec des moyennes très respectables en première année d’université. Des parents me confient parfois leur désespoir, faisant un constat d’échec pour notre pays. Ils me disent généralement ‘J’ai payé des impôts toute ma vie pour que mes enfants ne puissent pas faire leurs études en France’», raconte Nicolas Pinsault. En Roumanie et en Espagne, il existe de fortes disparités de niveau entre les écoles. «Le meilleur côtoie le pire», précise Pascale Mathieu. Les kinés fraîchement diplômés, dont la formation est jugée insuffisante, doivent à leur retour en France suivre des stages complémentaires. Puis une autorisation d’exercer leur est délivrée par la Préfecture. «Trop vite, parfois. Nous avons formulé des recours devant le Tribunal Administratif», explique la présidente de l’ordre.