La méthode Blanquer sera-t-elle la bonne pour revoir le fonctionnement de l’éducation prioritaire ? Après quarante ans d’existence, c’est un changement de paradigme que propose Nathalie Elimas, secrétaire d’Etat nommée cet été par Jean-Michel Blanquer pour mener la refonte du système. Des « contrats locaux d’accompagnement » de trois ans, passés entre les rectorats et les établissements, devraient être expérimentés dès la rentrée 2021 dans les académies de Lille, Nantes et Aix-Marseille.
A terme, si ce galop d’essai est jugé satisfaisant, ces contrats pourraient prendre le pas partout sur l’actuel dispositif des réseaux d’éducation prioritaire (REP), qui concerne 729 collèges et leurs écoles de secteur – même si, Rue de Grenelle, on défend pour l’instant une « simple expérimentation », et non une réforme. Les 363 réseaux REP+ (pour les établissements les plus en difficulté) resteront inchangés.
Des écoles, collèges et lycées qui ne bénéficient pas des avantages de l’éducation prioritaire (dotation en heures supplémentaires pour organiser des demi-groupes, primes d’attractivité pour les enseignants, décharges destinées à la coordination en équipe) pourront signer ces contrats. Les zones rurales « en décrochage économique » et les établissements isolés sont particulièrement visés, car ils se situent hors de la carte de l’éducation prioritaire, majoritairement adossée aux quartiers prioritaires de la politique de la ville. Les écoles orphelines, qui devraient être en REP du fait du profil de leurs élèves mais dépendent d’un collège qui ne l’est pas, pourront également tirer profit du nouveau système – ainsi que certains lycées, en particulier dans l’enseignement professionnel.
Réalités très différentes
Là où le classement en éducation prioritaire déclenche immédiatement une série de mesures, les rectorats pourront cette fois distribuer « selon les besoins » des moyens différenciés : ici une prime d’attractivité destinée à attirer des enseignants vers une zone reculée, là des heures supplémentaires. Pour les détracteurs du projet, c’est là que le bât blesse : « C’est la fin du pilotage national de l’éducation prioritaire », résume Jean-Yves Rochex, spécialiste de la question et membre du conseil scientifique de l’Observatoire des zones prioritaires.
L’idée de créer des contrats locaux, réputés plus souples que les découpages territoriaux décidés Rue de Grenelle, part d’un constat simple : 70 % des enfants défavorisés sont scolarisés dans des établissements qui ne relèvent pas de l’éducation prioritaire, et « 25 % des enfants de REP ne devraient pas y être, au regard de leur indice de position sociale », rappelle Pierre Mathiot, auteur d’un rapport sur l’éducation prioritaire, coécrit avec l’inspectrice générale Ariane Azéma, et remis à Jean-Michel Blanquer en novembre 2019.
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