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L’Erasmus virtuel, une réussite européenne dans le marasme ambiant

L’Erasmus virtuel, une réussite européenne dans le marasme ambiant

Echanges

Par Robin Lemoine

Publié le

Après trois ans de période d’essai, le projet Erasmus virtual exchange prendra fin le 31 décembre 2020. Trois ans qui ont permis de montrer tout l’intérêt d’un tel mécanisme - surtout en période de pandémie - et qui pourrait, si la Commission européenne le décide, être pérennisé.

« Nous nous retrouvions en ligne pour discuter entre nous de sujets très intéressants, raconte Tareq Layka, un Syrien de 25 ans. C’était très excitant. Cela m'a permis de rencontrer de nouvelles personnes, de découvrir leurs points de vue et de pouvoir m’exprimer librement. Et cela, malgré la pandémie et la crise géo-politique que connait mon pays. Cette expérience a changé ma vie. » Cette expérience dont parle Tarek s’appelle Erasmus Virtual Exchange. Un projet pilote lancé en 2018 par la Commission européenne, financé à hauteur de 2 millions d’euros par an et dont la période d’essai prendra fin le 31 décembre prochain. En partenariat avec 280 universités et organisations de jeunes, ce programme vise à favoriser les échanges virtuels interculturels entre les jeunes européens (il est accessible aux 18-30 ans) et ceux des pays du sud de la Méditerranée. Y participent donc des pays comme la France, l’Allemagne mais aussi la Syrie, l’Egypte, la Tunisie, l’Algérie et le Maroc. Au total, plus de 28.000 personnes y ont pris part.

« Nous avons mis en place plusieurs modèles de dialogue qui se décomposent en plusieurs rencontres, explique Aurélie Durand, attachée de ce projet à l’association Search for Common Ground. Mais le procédé est globalement le même à chaque fois. Soit le sujet est prédéfini, soit les jeunes en choississent un : le réchauffement climatique ou l’égalité femmes-hommes par exemple. Ensuite, sous l'œil d’un facilitateur formé qui encadre les discussions et fait en sorte de donner la parole à tout le monde, ils échangent leur point de vue avec pour objectif de déconstruire tout ce qu’ils pensent savoir sur le sujet. »

"Je me suis fait de vrais amis"

On pourrait se désoler de voir l’expérience Erasmus réduite à une rencontre virtuelle. C’est pour cette raison, que le projet se veut complémentaire de l’échange physique avec pour objectif de profiter des nouvelles technologies. « Cela permet à des jeunes, qui ne peuvent pas forcément partir, de pouvoir vivre quelque chose de fort et de très enrichissant », affirme Aurélie Durand. Et sur certains points, cette forme montre même quelques avantages par rapport à l’Erasmus que l’on connaît. Au-delà de pouvoir discuter avec des personnes venant d’autres pays au beau milieu d’une crise sanitaire, ces réunions sont encadrées, on n’y parle qu’en anglais et on discute principalement d’enjeux décisifs pour le futur.

Pour Angelina Prins, 22 ans, qui étudie le commerce international à Utrecht et a participé à un module « les deux formes d’Erasmus ont leurs avantages et leurs désavantages. Le fait d’être encadré permet de pouvoir s’exprimer librement et avec bienveillance sur des sujets qui peuvent parfois être tabou. » Et même si un écran sépare ces jeunes, l’expérience sociale reste. « Je me suis fait de vrais amis », raconte Amel, dorénavant enseignante à Sétif, en Algérie. « Nous avons créé un groupe Whatsapp pour garder contact dans l’espoir de se rencontrer un jour. »

En complément, pas en remplacement

« Nous pouvons être fiers des retours que nous avons eu. C’est une grande réussite », déclare Charline Burton, directrice de Search for Common Ground. Selon leur enquête, 86% des jeunes participants se disent satisfaits de leur expérience. De plus, la crise de la Covid et l’impossibilité de se rencontrer physiquement a accéléré les choses. « On a eu une explosion du nombre de participants, confirme Aurélie Durand. Il y a certains modules qui ont atteint en six mois leur objectif pour l’année. On s’est rendu compte qu’il y avait un réel besoin et on a fait le maximum pour y répondre. »

Cette crise permettra-t-elle à cet Erasmus virtuel d’aller plus loin ? « Pour le moment, on ne sait pas si le projet sera pérennisé, précise Aurélie Durand. Ce qui est sûr, en revanche, des institutions ou des acteurs qui pouvaient être réticents au programme, se sont rendus compte de la valeur que ça avait et cela même en dehors d’un contexte de crise. » Une autre victoire est d’avoir confirmé une nouvelle fois l’engagement d’une grande partie de la jeunesse sur des sujets très importants. « Beaucoup de jeunes étaient déjà impliqués au niveau de leur communauté. Mais on a eu beaucoup de participants qui ont décidé de prendre des initiatives suite au projet, et c’est une très bonne chose selon moi » conclut l’attachée de projet. En espérant que cet Erasmus virtuel reste un complément aux voyages étudiants et non le remplacement de ceux-ci.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne