En ce pluvieux lundi 21 décembre, place du Palais-Royal, à Paris, entre la Comédie-Française et le ministère de la culture, on donnait la meilleure – et seule – pièce de théâtre à voir en ce moment : l’audience au Conseil d’Etat, sur les parquets cirés de la salle du contentieux, de cinq référés contre la décision de maintenir fermées, au moins jusqu’au 7 janvier, les salles de spectacles.
Côte à côte, on y trouve un regroupement d’une vingtaine d’organisations théâtrales, d’une quinzaine de cinémas, les représentants du monde du cirque, de six théâtres parisiens (Le Monfort, Théâtre 14, Théâtre Paris-Villette…), et puis le chanteur « gilet jaune » Francis Lalanne (qui s’est associé à quelques amis, dont l’humoriste Jean-Marie Bigard ou l’actrice Béatrice Dalle…).
Tous sont venus contester une décision gouvernementale jugée contraire à la Constitution par son atteinte à la liberté d’expression, de création, de commerce… Pas moins de vingt acteurs sur le plateau et autant de spectateurs dans la salle, pour une pièce de trois heures qui ne devait en durer qu’une. Un sixième référé, concernant les arts plastiques, devait être traité mardi, car il concerne des lieux un peu différents – les musées et centres d’art.
Un plaidoyer, non une plaidoirie
C’est qu’on a fait les choses bien du côté de la plus haute juridiction administrative française. On ne voulait pas se retrouver avec une nouvelle tribune dans les colonnes du Monde, comme ce fut le cas le 12 avril, avec celle de l’avocat William Bourdon – venu ici défendre les théâtres parisiens –, qui, quelques jours après avoir été débouté d’un référé au nom de plusieurs associations humanitaires, y dénonçait la « dévitalisation » de l’institution.
« Les juges administratifs du Conseil d’Etat se situent loin des polémiques », avait répondu, dans les mêmes colonnes, Jean-Denis Combrexelle, président de la section du contentieux, venu lundi en personne, entouré de deux confrères, quand, en général, ce type d’audience est tenu par un seul juge. Pour montrer à quel point le sujet est traité sérieusement ?
« C’est un recours historique », annonçait il y a quelques jours un William Bourdon promettant la venue de la juriste Mireille Delmas-Marty, du philosophe Edgar Morin ou de l’actrice Jeanne Balibar… Ils sont absents – la pluie les en aura-t-elle dissuadés ?
Malgré quelques effets de manche, des arguments bien troussés, l’avocat se tournant parfois vers le – maigre – public, quand l’usage, en ces lieux, est plutôt de s’adresser aux juges, la confrontation entre les deux hommes n’a pas eu lieu. Le Conseil d’Etat n’est pas un lieu de plaidoirie mais de plaidoyer, où, foin des concours d’éloquence, les juges écoutent, clarifient, avant de délibérer sur les requêtes.
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