Tribune. En janvier 2019, la revue Science publie un article de Justin Reich et José A. Ruipérez-Valiente. Leur but : analyser le succès des cours en ligne dispensés par l’université Harvard et le Massachussets Institute of Technology, cela à partir des données couvrant la période 2012-2018 et regroupant plus de cinq millions d’inscrits. Cinq millions et six cent trente mille, pour être plus précis.
Ce chiffre montre un réel engouement, mais engouement initial ne signifie pas réussite finale. Parmi ceux qui, à l’inscription, affirment avoir l’ambition de suivre l’intégralité du cours, seuls 17 % parviennent effectivement au terme des leçons. Ce pourcentage s’élève difficilement à 50 % parmi ceux payant pour obtenir un diplôme certifié. Et la part des « learners » s’inscrivant à nouveau à un cours un an après leur première expérience ne cesse de diminuer durant la période scrutée, pour se situer finalement aux alentours de 7 %.
Comme le disent les chercheurs Reich et Ruipérez-Valiente, il semble que cette offre en ligne ne soit utilisable qu’en complément, pour des « apprenants » déjà insérés dans un système existant, par exemple des professionnels en quête d’un complément de formation. Comme le soulignent les chercheurs Di Xu and Shanna S. Jaggars dans un article publié en 2014 par The Journal of Higher Education, ce constat n’est pas surprenant.
Acquérir un savoir requiert un temps long
Si l’apprentissage à distance offrait une qualité comparable à l’enseignement en face-à-face, la télévision se serait déjà emparée de cette aubaine. Elle aurait ainsi suivi les recommandations qu’André Malraux, convaincu que « la prochaine alphabétisation, plus tôt ou plus tard, ici ou ailleurs, sera le fait de l’enseignement audiovisuel », détaillait déjà à la commission des libertés de l’Assemblée nationale en 1976.
Mais l’étude n’est pas le divertissement. Acquérir un savoir, maîtriser une pratique, confronter ses compétences à la réalité du terrain, cela requiert un temps long en présence de ses camarades d’apprentissage et des « sachants », que ces derniers soient professeurs, artisans, chercheurs, médecins ou musiciens.
Les succès en ligne ou télévisés existent, mais se déclinent sur des temps courts : ils sont alors excellents pour se cultiver au petit bonheur ou étudier des notions élémentaires. L’émission « C’est pas sorcier », les conférences TED (pour « technology, entertainment and design »), les cours de la Khan Academy fournissent de bons exemples. Aucun ne permet d’apprendre à conduire un raisonnement, un calcul, ou une étude de cas comparables à ceux demandés dans l’enseignement supérieur.
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