La pandémie n’aura qu’à peine effleuré l’économie du livre, qui ne connaît pas la détresse des autres secteurs culturels. Depuis janvier 2020, les cinémas ont perdu 69 % de leurs entrées, le spectacle vivant a assisté à l’effondrement de son chiffre d’affaires (– 85 %), les musées ont terriblement souffert… Dans ce champ de ruines, seules les plates-formes de streaming ont engrangé massivement des abonnés. Et, contre toute attente, les librairies et l’édition ont fort bien résisté.
Les librairies, rouvertes depuis le 28 novembre 2020, ont, grâce à un mois de décembre exceptionnel, quasiment gommé la chute des ventes occasionnée par les deux confinements. Guillaume Husson, délégué général du Syndicat de la librairie française (SLF), estime qu’elles ont terminé l’année avec un chiffre d’affaires en recul limité à 3,3 % par rapport à 2019. Elles ont donc réussi, peu ou prou, le tour de force de réaliser une « année quasiment blanche » malgré l’adversité. De façon corollaire, les éditeurs devraient aussi tirer leur épingle du jeu. Pierre Dutilleul, directeur général du Syndicat national de l’édition (SNE), table sur « une légère décroissance » du secteur, qui devrait se situer « entre – 5 % et 0 % en 2020 ».
Commandes pléthoriques
« L’engouement des Français pour la lecture devrait permettre de rattraper le retard pris avec le reconfinement partiel en novembre », explique-t-il. De fait, tous les centres de distribution de livres ont tourné vingt-quatre heures sur vingt-quatre depuis fin novembre, en ayant recours à des armées d’intérimaires pour faire face à des commandes pléthoriques. Du jamais-vu. Jusqu’à 250 000 livres ont pu être emballés en une journée chez Hachette Livre Distribution à Maurepas (Yvelines) début décembre. Michèle Benbunan, directrice générale d’Editis, se réjouit aussi « d’un afflux de commandes exceptionnel, avec deux fois de suite le record de commandes expédiées depuis la création du site logistique » Interforum à Malesherbes (Loiret). Tous les grands groupes d’édition ont partagé cette frénésie d’avant Noël.
Le livre, valeur refuge ? Redécouverte d’un bonheur accessible malgré le couvre-feu ou les confinements ? Sans doute. La décision controversée du gouvernement de fermer les librairies pendant le second confinement, avant d’obliger les Fnac et grands magasins à ne pas vendre de livres non plus, a réussi, par effet boomerang, à projeter les libraires au firmament de l’actualité. A en faire les symboles d’une injustice, des sacrifiés inutiles. « On n’a jamais autant parlé des librairies », confirme Guillaume Husson, en notant « un élan de solidarité exceptionnel envers les petites librairies, mais pas forcément les très grandes ». Il se félicite : « C’est historique, les ventes de décembre ont été excellentes, en hausse de 35 % par rapport au même mois de 2019. » Au point qu’un nombre inhabituel de titres a été réimprimé.
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