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Métiers verts : des écoles de la transition écologique et solidaires bientôt partout en France ?

L'Ecole européenne de la Transition Ecologique (ETRE) mobilise les jeunes déscolarisés autour des métiers de l'environnement jusqu'à leur offrir une formation diplômante dans ce secteur. Repéré par le French Impact, ce concept très innovant va essaimer un peu partout en France à partir de 2021.

A Lahage, au sud de Toulouse, où a été lancée la première structure, ces jeunes se retrouvent en pleine campagne, dans une école écolo à ciel ouvert de deux hectares de terrain avec 3.000 mètres carrés de bâti.
A Lahage, au sud de Toulouse, où a été lancée la première structure, ces jeunes se retrouvent en pleine campagne, dans une école écolo à ciel ouvert de deux hectares de terrain avec 3.000 mètres carrés de bâti. (Ecole européenne de la Transition Ecologique)

Par Corinne Dillenseger

Publié le 5 janv. 2021 à 12:00

D'un côté, la transition écologique pourvoyeuse de plus d'un million d'emplois en France d'ici 2050. De l'autre, près de 100.000 jeunes sortant tous les ans du système scolaire sans diplôme. Deux constats qui ont amené à la création en 2017 de ETRE, l'Ecole européenne de la Transition Ecologique , une initiative de l'association de formation et d'éducation à l'environnement 3PA (Penser-Parler-Partager-Agir) implantée près de Toulouse.

« Notre pédagogie est tout sauf classique, prévient d'emblée Mathilde Loisil, co-directrice de l'association et impliquée depuis les débuts dans le développement de l'école. Ici, nous sommes dans l'être plus que dans l'avoir, dans l'apprentissage par le faire, dans l'écologie pratique et solidaire. Tout est support à la découverte et à la formation aux métiers verts, à travers de petits chantiers d'expérimentation, des visites d'entreprise, des rencontres avec des professionnels de l'agriculture bio, des espaces verts, des énergies renouvelables, du bois… ».

Pour les jeunes qui boudent l'école

Cette approche séduit chaque année 160 jeunes entre 16 et 25 ans, des profils cabossés par la vie, déscolarisés, sans emploi. « Certains n'ont pas trouvé leur voie dans le système scolaire ordinaire, d'autres sont en situation de handicap, ont des problèmes avec la justice ou sont des réfugiés, énumère Mathilde Loisil. Nous accueillons aussi des jeunes diplômés sans but précis dans la vie, et depuis peu, des profils plus âgés en reconversion professionnelle. »

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Depuis 2019, les ETRE cherchent à se déployer sur le territoire national. Un horizon qui va certainement avoir toutes les chances de se concrétiser puisque le modèle de l'école a été retenu parmi les six solutions sélectionnées lors du Grand Hackathon Emploi Jeunes de French Impact qui s'est tenu fin novembre , sur 200 projets pitchés. A partir de ce 7 janvier et jusqu'en mai 2021, le projet ETRE va ainsi être incubé par BNP Paribas pour passer à la vitesse supérieure. Ou comment développer un réseau d'écoles ETRE de manière massive, tout en conservant l'ancrage territorial et les valeurs inhérentes à ces écoles.

A Lahage, au sud de Toulouse, où a été lancée la première structure, ces jeunes se retrouvent en pleine campagne, dans une école écolo à ciel ouvert de deux hectares de terrain avec 3.000 mètres carrés de bâti, un jardin pédagogique « pour sensibiliser à la biodiversité », une petite ferme avec cochons, lapins, ânes, poules et chèvres « parfaits pour la médiation animale », une cantine bio à base d'invendus récupérés dans les magasins du coin, « un bon prétexte pour expliquer comment fonctionne l'économie circulaire ».

Pas de salles de classe, mais des ateliers collectifs, encadrés par des professionnels pédagogues et centrés sur des projets concrets : construire un hôtel à insectes ou un vélo mixeur, aménager une épicerie bio ou meubler une médiathèque. « Chaque chantier est valorisé et célébré, insiste Mathilde Loisil. On sent alors ces jeunes fiers d'avoir produit quelque chose de leurs mains, ils retrouvent confiance en eux. » Mieux encore : 80 % d'entre eux se disent plus concernés par les questions d'éco-citoyenneté.

Se former différemment et gratuitement

Depuis 2019, l'école propose une formation qualifiante de deux ans en menuiserie, et bientôt en maraîchage et en espaces verts. Seule la motivation sert de ticket d'entrée. Des partenaires publics et privés (la Région, l'Europe, la Fondation Nicolas Hulot…) permettent l'accès gratuit à l'école.

Pierre-Alexis a été l'un des premiers diplômés du CAP menuiserie bois, aujourd'hui transformé en titre professionnel. Ce titulaire d'un bac S est parti un an avec un PVT en Nouvelle-Zélande comme travailleur agricole, avant de suivre une préqualification aux métiers de l'environnement dans le cadre d' un service civique chez 3PA. « Je ne voulais plus continuer mes études, j'en avais assez de cette hiérarchie prof-élèves, de rester assis huit heures sur une chaise. J'avais envie d'être libre, de créer en pratiquant un métier manuel mais je ne savais pas lequel », raconte ce vingtenaire.

Pendant six mois, il teste différents métiers : l'entretien des espaces verts, la production maraîchère, le travail du bois… « J'ai participé à la transformation d'une ancienne cabine téléphonique en cabine à livres, j'ai appris à débroussailler, j'ai visité une recyclerie, compris comment fonctionne l'économie circulaire, l'importance de la biodiversité, j'ai aussi monté des actions d'animation nature pour les enfants… », s'enthousiasme Pierre-Alexis.

Des élèves de l'école.

Des élèves de l'école.Déborah Duprey 3PA

En parallèle, il affine son projet professionnel avec l'appui d'une conseillère d'orientation, et se positionne sur le CAP de menuiserie bois proposé par ETRE. « L'avantage dans cette école c'est qu'on plonge tout de suite dans la réalité du métier. On travaille sur des commandes réelles et non pas fictives comme dans une école classique où l'on fait des assemblages et on jette tout après. Ce qui n'a aucun sens ! Ici, on répond à de vrais besoins, on rencontre les clients. On a imaginé et construit un buffet de 6 mètres pour une mairie, on a fabriqué une jardinerie, un mur sensoriel… Et tout ça avec du bois de récup ! » souligne le jeune homme.

Une fois son CAP en poche, Pierre-Alexis a enchaîné sur une mission d'un mois dans une menuiserie. Aujourd'hui, il envisage de reprendre une nouvelle formation, toujours dans le bois. « Au total, 60 % de nos jeunes trouvent un emploi ou repartent en formation vers des métiers manuels », se félicite Mathilde Loisil.

Près de 30 écoles ETRE bientôt en France

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Le succès de l'école-pilote a très vite dépassé les frontières du sud toulousain. Depuis trois ans, de plus en plus d'associations et d'organismes privés se disent prêts à dupliquer eux aussi ce concept de découverte et de formation à la transition écologique. Le développement du réseau des écoles ETRE est en marche.

« D'ici 5 ans, notre objectif est de mettre en place une école dans chaque département d'Occitanie et dans chaque région de France, chacune étant adaptée aux acteurs et besoins locaux », annonce la co-directrice de l'association 3PA. La reconnaissance du projet lors du Grand Hackathon Emploi Jeunes de French Impact sera un appui utile pour concrétiser cette ambition.

Corinne Dillenseger

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