Des initiatives, des discours, mais peu de changements. Le chemin vers la diversité sociale des grandes écoles françaises est encore long. Il l’est même plus que prévu. Des chercheurs de l’Institut des politiques publiques (IPP), un laboratoire de l’Ecole d’économie de Paris, ont conduit une étude inédite sur l’évolution du recrutement des étudiants en grandes écoles (écoles d’ingénieurs, de commerce, instituts d’études politiques et écoles normales supérieures).
Le bilan est sans appel : entre 2006 et 2016, la diversité sociale au sein de ces établissements, qui forment les futures élites administratives, scientifiques et économiques de la France et qui sont, pour beaucoup d’entre eux, financés par l’Etat, n’a pas progressé. L’étroitesse de leur vivier de recrutement, sur le plan social mais aussi territorial, est démontrée par les résultats de cette étude, menée à partir de données administratives quasi exhaustives et encore jamais exploitées à cette échelle.
Parmi les indicateurs étudiés, la part d’étudiants les plus défavorisés socialement − les enfants d’ouvriers, de parents sans emploi − n’a pas progressé entre 2006 et 2016 et n’a jamais dépassé les 10 % dans les grandes écoles, indique l’étude, qui doit être publiée mardi 19 janvier. Ces jeunes représentent pourtant 36 % de cette classe d’âge, et comptent pour 20 % des étudiants de niveau bac + 3 à bac + 5 à l’université.
80 % de CSP+ dans les écoles les plus sélectives
Sur la même période, les deux tiers des élèves des grandes écoles sont des enfants de CSP+ (catégories socioprofessionnelles supérieures : cadres, professions intellectuelles ou libérales, chefs d’entreprise), alors que leur part n’est que de 23 % de l’ensemble des jeunes de 20 à 24 ans en 2016. Dans les 10 % d’écoles les plus sélectives, les enfants d’ouvriers ou de personnes au chômage plafonnent à 5 % des effectifs, quand les CSP+ représentent près de 80 % des promotions. En outre, les classes moyennes (professions intermédiaires, employés, commerçants…) sont aussi largement sous-représentées dans ces formations.
« L’extrême stabilité du recrutement social des grandes écoles est d’autant plus remarquable que leurs effectifs ont augmenté de manière importante au cours de la période, de 4 % à 5 % par an. Cet élargissement quantitatif ne s’est donc pas accompagné d’une diversification du profil social de leurs étudiants », observent les auteurs de l’étude.
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