Tribune. Zoom est devenu notre salle de classe virtuelle. Malheureusement, ni les enseignants ni les étudiants ne s’y habituent. Ces outils utilisés seuls et sans interactions physiques réelles génèrent une grande lassitude, peu d’émulation et dénaturent profondément l’enseignement et la transmission des savoirs. Ajoutons à cela que, pour la première fois, nous n’aurons pas pu rencontrer les étudiants à l’université avant de les accompagner à distance. Ce sera sans doute le tournant de trop, qui entraînera un décrochage massif et catastrophique.
Pour bien comprendre ce qui risque de se passer, il est important de saisir ce qui se joue d’habitude en classe, notamment lors du premier cours donné à un nouveau groupe d’étudiants. Lorsque l’enseignant se présente pour la première fois, la dimension physique de cette rencontre est fondamentale. L’enseignant observe et est observé. Il se présente, introduit son cours, explique la façon dont il va travailler avec ses étudiants, met en place les premiers échanges. Le regard, le positionnement dans l’espace, la gestuelle, les mouvements, la voix : tout est mise en scène. Mise en scène de soi, mise en scène du savoir, mise en scène de la relation qui se joue ici et maintenant.
Théâtralisation de la séduction
Cette étape profondément signifiante envoie un message aux étudiants et les renseigne sur le type d’enseignant qu’ils ont face à eux. L’enseignant aura l’air exigeant, abordable, distant, sympathique, sévère, drôle, austère, érudit, modeste, prétentieux, malicieux, desséché, enthousiaste, motivé, désabusé, passionné… Il écrit son propre rôle et il incarne l’enseignant qu’il veut être. La mise en scène choisie donnera aux étudiants autant d’indications sur le type de relation qu’ils pourront construire avec cet enseignant. Elle donnera le ton, amorcera une relation de confiance ou, au contraire, de défiance.
« Le premier cours en classe est crucial dans la construction d’une relation qui sera la base de la transmission »
Le premier cours est donc crucial dans la construction d’une relation qui sera la base de la transmission. Tout enseignant sait qu’il ne faut pas le rater car il amorce et conditionne l’aventure intellectuelle et relationnelle qui s’ensuivra. Les étudiants se feront un plaisir de discuter ensuite entre eux du « prof », de ses mimiques, de sa gestuelle, de son côté aimable ou rebutant et auront ensuite envie de l’admirer, de le suivre, de se laisser entraîner, de travailler ou au contraire seront enclins à le rejeter et à ne pas s’investir dans une relation qui aura mal commencé.
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