S’est-on trompé de porte ? On avait rendez-vous avec une classe de comédiens en pleine création d’un spectacle, on est parachuté dans une rave multicolore zébrée d’effets stroboscopiques. Erreur d’aiguillage ? Non, on est pile au bon endroit, dans le théâtre à l’italienne du Conservatoire national supérieur d’art dramatique (CNSAD), à Paris, où répètent, depuis début décembre, une quinzaine d’acteurs sous la houlette de Christophe Huysman, auteur et metteur en scène très repéré dans le milieu du cirque.
Les arts de la piste seraient-ils en train de tirer le tapis sous les pieds du théâtre, histoire de le faire trébucher ? Sur le plateau, jeudi 14 janvier, les compteurs s’affolent. Les interprètes, pieds nus ou en baskets, hululent en tournoyant entre les machines à laver qui composent le décor. Ils s’affalent ensuite, haletants. « Tout va bien ? », s’inquiète Christophe Huysman. Impec ! L’ambiance est chaude, pulsante. Le désir de vibrer, claquant.
Le spectacle intitulé Si la vie n’est pas un jeu, dont les représentations, prévues les 10 et 11 février, vont se dérouler à huis clos, fait comme un pied de nez à l’absurdité. « Quand je pense que j’ai été jeune élève ici, en 1982, se souvient le metteur en scène. J’ai commencé à y étudier, j’avais 18 ans, et j’en suis sorti à 21 ans. C’est la première fois que j’y remets les pieds depuis, et c’est émouvant. Cette salle est un joyau et un cadeau pour travailler. »
Cette création s’inscrit dans le cadre des huit productions auxquelles participent les étudiants de troisième et dernière année du conservatoire. Elle est, surtout, la première pierre d’un partenariat entre l’institution théâtrale et le Centre national des arts du cirque (CNAC) de Châlons-en-Champagne.
Performance physique
« Cette collaboration s’inscrit dans un processus, lancé depuis plusieurs années, de rapprochement avec d’autres grandes écoles, comme la Femis, commente Claire Lasne-Darcueil, directrice du conservatoire depuis 2013. Si nous sommes dans le lieu de la tradition française de la déclamation, je crois beaucoup à la rencontre avec les autres arts. Je ne veux pas que les étudiants soient prisonniers d’une seule vision du théâtre, mais qu’ils se frottent à toutes les formes, avec et sans mots. J’ai, par ailleurs, longtemps tourné des mises en scène sous chapiteau, et je suis fan de cirque. » Gérard Fasoli, directeur du CNAC, ajoute : « Il y a aussi, je crois, le désir de construire des acteurs plus physiques, avec des perspectives plus riches sur le corps. »
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