Pour les enseignants, les débuts de carrière n’ont jamais été de tout repos. Cumuler stage et formation, découvrir l’univers de la classe tout en validant la fin de ses études… Mais avec la pandémie liée au coronavirus, les jeunes professeurs font leur entrée dans une institution ballottée au rythme des confinements et des revirements de la politique sanitaire.
La première difficulté, citée par tous les professeurs en formation interrogés, tient à l’impossibilité de partager son expérience avec les autres étudiants. L’année du master 2 – lorsque les professeurs stagiaires cumulent l’enseignement en classe et la formation dans les Instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation (Inspé) – est particulièrement délicate.
« Le fait d’échanger avec les autres étudiants permet de mettre en commun le ressenti, mais aussi de dédramatiser et de se rendre compte qu’on n’est pas les seuls à connaître des difficultés », témoigne ainsi Fannie, reçue au capes d’espagnol en 2019 et qui a repoussé son année de stage d’un an. De son expérience dans un collège d’Angers, la jeune femme de 25 ans ne peut quasiment pas discuter. « L’échange à distance a ses limites. Si j’ai une petite question à poser à un formateur, il faut tout de suite rédiger un mail… On ne prend pas forcément le temps, alors qu’en présentiel, on aurait interpellé sur le sujet et obtenu un retour immédiat. » Quant à la salle des profs de son établissement d’accueil, les échanges y sont également réduits, Covid-19 oblige.
« Les échanges improvisés ont disparu »
Tous ces « petits moments », comme les conversations informelles, manquent cruellement aux jeunes enseignants. « La recherche montre que les échanges entre pairs dans les coulisses de la formation sont essentiels », abonde Pierre Perier, professeur en sciences de l’éducation à l’université Rennes-II et spécialiste de l’entrée dans la carrière enseignante. « Dans ces moments-là, les stagiaires osent parler de problèmes qu’ils n’évoqueront pas devant leur formateur ou leur tuteur. »
« Les cours en visio permettent de délivrer le message important, mais les échanges improvisés ont disparu, témoigne aussi une formatrice de sciences de la vie et de la terre (SVT) de l’académie de Créteil qui souhaite garder l’anonymat. Or, c’est dans ces moments moins cadrés que les étudiants osent faire part de leurs questions et de leurs doutes. »
Pour les stagiaires reçus en 2020, il s’agit de la deuxième année sous le signe du Covid-19 : au printemps, les oraux des différents concours de recrutement des enseignants (professeur des écoles, capes, agrégation) avaient été annulés au profit des seuls écrits. « Une partie des modules ont été supprimés, raconte une professeure-stagiaire, qui ne souhaite pas être citée. Comme il n’y avait plus d’oral, l’Inspé a considéré que ça suffisait. Mais nous, on entre dans le métier en ayant eu des cours en moins. »
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