Le plus dur, ce sont les nuits. Celles où il se réveille et cogite, sans pouvoir se rendormir. Où il cherche des solutions, longuement, pour mieux passer la crise. « La tête est trop pleine : mon sommeil en pâtit, la fatigue s’accumule », confie-t-il. Sébastien Bareau dirige une société de portage salarial durement affectée par la pandémie de Covid-19, comme des milliers de PME françaises. Depuis l’automne 2020, passé le vif rebond enregistré à l’été, son activité est de nouveau en berne. « J’ai dû renoncer à beaucoup de projets pour 2021. »
En attendant les jours meilleurs, il « fait le dos rond » et se concentre sur le positif : « Cela repartira, j’y crois, mon créneau est porteur. » Certains jours sont, malgré tout, plus sombres que d’autres. « Mon horizon s’est rétréci. Les réunions sur Zoom, je n’en peux plus. »
Lætitia Morel, elle, a le sentiment de s’enfoncer dans un tunnel sans fin. « Je n’arrive plus à sourire, les petits plaisirs frivoles d’autrefois – une bonne série, une nouvelle robe – n’ont désormais plus de saveur », murmure-t-elle d’une voix sèche. Depuis mars 2020, le restaurant de banlieue parisienne où elle assurait l’accueil l’a mise au chômage partiel. « Je me répète qu’il y a pire, que j’ai la chance d’avoir encore un job. Mais ne pas savoir quand je pourrai retravailler me coupe le souffle. »
Beaucoup de Français décrivent aujourd’hui, comme elle, ce sentiment d’usure. Ce cafard, virant parfois à la grosse déprime. Cette lassitude tantôt passagère, tantôt paralysante face à la pandémie, aux difficultés économiques et, surtout, à l’incertitude permanente dans laquelle nos quotidiens sont désormais plongés.
« Si le premier confinement fut plutôt une expérience de stress aigu que l’on imaginait s’achever à l’été, le deuxième a marqué l’entrée de la crise dans la durée, avec un stress chronique, aux effets très différents », résume Fabrice Jollant, psychiatre au groupe hospitalier universitaire (GHU) Paris psychiatrie & neurosciences.
Les étudiants sont parmi les plus fragilisés
De fait, beaucoup de ceux qui tenaient jusque-là ont basculé à leur tour dans le spleen ou l’anxiété depuis le mois d’octobre 2020. Selon les enquêtes menées par l’agence de sécurité sanitaire Santé publique France (SpF), la prévalence des états dépressifs a plus que doublé entre septembre et novembre (de 11 % à 23 %). A la mi-décembre, 50 % des salariés se disaient en détresse psychologique, d’après le baromètre OpinionWay réalisé pour Empreinte humaine, un cabinet de prévention des risques psychosociaux.
Il vous reste 79.83% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.