Le numérique, au cœur de la réalisation professionnelle des jeunes sourds

Cédric Richard est le Directeur de Sourdoués, une école qui propose des formations aux métiers du numérique et en langue des signes. Son credo ? Permettre aux jeunes sourds de se former et de devenir des talents à part entière des entreprises

Pouvez-vous nous en dire plus sur Sourdoués, la première école des métiers du numérique dédiée aux publics sourds ? Pourquoi avoir créé cette école ?

Sourdoués (qui fait partie de l’organisme Signes et Formations), c’est une école, gratuite, pour se former aux métiers du numérique, et qui est accessible en langue des signes (LSF). Elle s’adresse en grande majorité aux personnes sourdes et malentendantes qui pratiquent la LSF. L’école est rattachée au Campus Région du Numérique, basé à Lyon, et qui propose des pédagogies et des formations disruptives, pour les publics éloignés de l’emploi. Nous avons créé Sourdoués car les personnes sourdes ont très peu accès à la formation. En effet, 80 % de ces personnes ont de réelles difficultés de compréhension du français, ce qui entraîne une très faible scolarisation et peu d’entrées sur le marché du travail. 50 % des personnes sourdes sont sans emploi, et seuls 3 % des jeunes sourds poursuivent des études supérieures.
En créant un parcours de formation en LSF, nous avons décidé d’accompagner ces personnes et de leur permettre d’aller au-delà du handicap pour trouver leur voie, grâce au numérique. Nous travaillons d’ailleurs main dans la main avec les acteurs de l’insertion professionnelle tels que Cap emploi et Pôle emploi, pour qui ce type de dispositif est un réel moyen de mettre des jeunes sur les rails de la vie professionnelle.

En quoi votre pédagogie est-elle adaptée aux personnes sourdes et malentendantes ?

Nous avons choisi une approche linguistique : l’ensemble de la formation est déroulé et pensé en LSF. Nous avons aussi orienté cette formation en fonction de la structure de pensée des personnes sourdes et malentendantes, qui est largement basée sur le visuel. De plus, toute la formation a été conçue par des formateurs sourds, donc la pédagogie est naturellement adaptée, car imaginée par les pairs et pour les pairs ! Nous faisons aussi intervenir des professionnels qui viennent déconstruire les représentations qu’ont les personnes sourdes d’elles-mêmes : manque de confiance en soi, peur de l’échec, place dans la société, etc. Cela permet de faire grandir les compétences sociales et professionnelles de chacun. Pour la petite histoire, nous avons accueilli il y a quelques temps un jeune sourd de 27 ans très renfermé, timide, qui avait une LSF approximative et qui quittait ses parents pour la première fois. Après avoir suivi le cursus de Sourdoués, ce même jeune homme s’est libéré, a pris confiance en lui et, une fois son diplôme en poche, est parti faire le tour du monde !

Sur quels critères recrutez-vous vos futurs étudiants ?

Le critère principal requis est de pratiquer la LSF. Il n’y a en revanche pas de condition de diplômes, mais il faut avoir une appétence pour les métiers du numérique et un projet professionnel défini. De plus, pour les étudiants qui souhaitent intégrer notre cursus technique, des tests de logique et de programmation doivent être réalisés par les candidats. Par ailleurs, les étudiants qui suivent notre formation ont entre 18 et 35 ans mais pas au-delà, car nous souhaitons éviter de trop grandes ruptures générationnelles au sein d’une même promotion.

Comment vos étudiants sont-ils accueillis en entreprise ? Les accompagnez-vous dans leur insertion professionnelle ?

Nous les accompagnons, oui. Mais nous accompagnons aussi les entreprises ! En effet, ce sont souvent les entreprises qui peuvent avoir le plus d’appréhension face à une personne sourde, car elles sont finalement assez démunies sur ce sujet. Nous accompagnons donc l’arrivée des étudiants dans la sphère professionnelle, tout en donnant aux entreprises les clés pour décoder le fonctionnement de ces personnes et les outils nécessaires pour une intégration réussie. Notre mission est d’apporter de nouveaux talents en entreprise, et ça marche : les personnes sourdes sont très méticuleuses, précises, assidues et ont une grande créativité, ce qui est très apprécié notamment dans les filières du Web design. Cela apporte de la fraîcheur et de la diversité dont les entreprises se réjouissent.

A quels métiers du numérique peut-on se former avec Sourdoués ?

Nous formons nos étudiants au Web design d’une part, donc tous les métiers de conception graphique, conception d’interfaces de sites Internet, etc. Nous les formons, d’autre part, aux métiers du développement Web. Dans cette branche, nous sommes sur des métiers plus techniques avec des développeurs back-end et front-end, des intégrateurs Web ou des développeurs d’applications mobiles. En somme, les étudiants qui suivent notre cursus ont le choix entre la programmation et la création graphique, et sortent diplômés d’une certification labélisée Grande École du Numérique, label dédié aux publics fragiles et éloignés de l’emploi.

Quels sont les débouchés ?

Nos étudiants peuvent travailler n’importe où ! Les agences de communication et les agences Web ont la faveur de la plupart de nos jeunes diplômés. Côté entreprise, les structures qui embauchent le plus sont les PME, car elles ont besoin de profils qui travaillent vite, et qui soient souples et agiles.