Publicité

Les décrocheurs, premières victimes de la crise économique

Les jeunes touchés de plein fouet par la crise économique
Les jeunes touchés de plein fouet par la crise économique Iakov Filimonov / JackF - stock.adobe.com

INFOGRAPHIE - Le Covid-19 et la crise économique touchent de plein fouet les jeunes. L’Europe, affectée de façon très inégale, renforce son dispositif pour cette génération déjà fragile.

La crise économique et sociale liée à la pandémie du Covid- 19 est globalement dramatique pour l’emploi des jeunes en Europe. Elle risque d’être encore plus sévère pour les «décrocheurs», les «Neet» de l'acronyme anglophone «Neither in employment or in éducation or training» -, c’est-à-dire ceux qui n'ont ni emploi, ni ne suivent d'études ou de formation. Cette catégorie de population de jeunes en précarisation englobe à la fois les chômeurs et les inactifs de moins de 29 ans. La crise de 2008 avait déjà considérablement augmenté leur nombre de en Europe et cette situation a toutes les chances d'empirer si les plans concoctés par l'Union européenne et les États dans leur ensemble ne se concrétisent pas.

Le décrochage dans le décrochage

«Ils sont sacrifiés par avance quand il s’agira de trouver un emploi en pleine crise. Abîmés moralement et psychiquement, confinés dans la pauvreté, peu mobiles, ce sont les précaires désespérés et en colère de demain. Au décrochage, maladie chronique de nos sociétés inégalitaires, le Covid a ajouté une complication inattendue : le décrochage dans le décrochage» : cet extrait du manifeste de la fondation AlphaOmega est très alarmiste. Selon Elisabeth Elkrief, directrice de la fondation philanthropique qui accompagne et finance les organisations à caractère social d’aide aux jeunes exclus par l’éducation ou l’accès à l’emploi, «la prévention est la plus efficace des actions pour lutter contre le décrochage».

En septembre 2020, l'Union européenne comptabilise près de 3 millions de jeunes de moins de 25 ans au chômage. C’est 300 000 de plus qu’en février, avant que ne déferle sur le Vieux Continent la pandémie de Coronavirus. Le taux de chômage des jeunes s'établit ainsi à 17,1 % contre 15 % avant la crise. Un taux qui dépasse même les 20% dans une dizaine de pays de l’Union. L’Espagne connaît le taux de chômage le plus important avec 41,7% suivi par la Grèce avec 39,3% et l’Italie à 29,7%. En France, il s’élève à 19,0%.

Chez les « décrocheurs » ou les «Neet», la situation est encore plus critique. Selon les données d’Eurostat, 10 % de la population âgée de 15 à 24 ans en Europe appartiennent à cette catégorie. Si on élargit la tranche d’âge au 15-29 ans, le taux grimpe à 12,5% de la population, soit un peu plus de 10 millions de jeunes Européens.

Les écarts entre le nord et le sud de l'Europe sont nettement visibles. Les Pays-Bas, la Suède ou bien la Norvège connaissent des proportions de jeunes «Neet» de moins de 29 ans inférieures à la moyenne européenne, entre 5 et 7%. À l'opposé, la Serbie, la Roumanie et la Grèce s’écartent de la moyenne avec des taux supérieurs à 16%. L’Italie demeure en tête avec 22,2%. La proportion de décrocheurs est ainsi 4 fois plus élevée chez les jeunes Italiens que chez leurs homologues néerlandais.

Les jeunes femmes sont plus susceptibles que les hommes d'être en grande précarité, même si l’écart s’est réduit depuis les années 2000. « En raison des responsabilités familiales, les jeunes femmes Européennes ont 62% plus de chances que les hommes d'être Neet » d’après l’étude de l’université d’Oxford publiée en 2018 sur intitulée : «Travail des jeunes en transition : inégalités, mobilité et politiques en Europe». Toujours selon l’étude : l'éducation est le principal facteur influant sur la probabilité d'être en précarisation. Les jeunes ayant un niveau d'éducation inférieur ont deux fois plus de chances d'être décrocheur que ceux ayant fait des études secondaires. Cependant quelques pays se démarquent, en Italie (21,5%), en Serbie (18,2%), ou bien en Grèce (15,6%), les taux de «Neet» sont supérieurs à 15% y compris pour les jeunes qui ont fait des études supérieures.

Les «Neet» regroupent des situations très hétérogènes avec des niveaux de vulnérabilité différents (infographie ci-dessus). La plus grande catégorie des jeunes décrocheurs est composée de jeunes chômeurs de courte et de longue durée. Une autre catégorie inclut des jeunes découragés et coupés du monde du travail pour des raisons familiales, d’invalidités et ou de santé.

Les NEET dans l’agenda politique européen

En 2013, avec 24,4%, le taux de chômage des jeunes Européens atteint des niveaux records en Europe. La Commission européenne lançait alors “l'initiative pour l'emploi des jeunes” dotée d’un budget de 6,3 milliards d'euros . L’objectif annoncé : réduire le nombre de «Neet» en Europe qui atteignait 13% de la population en 2013 pour la tranche d’âge 15-24 et même jusqu’à 16% pour les jeunes de 15 à 29 ans. Le dispositif vise à s'assurer que les moins de 25 ans se voient proposer un emploi, une formation, un apprentissage ou un stage dans les quatre mois suivant la perte d'un travail ou la fin des études. L’initiative met un accent particulier sur l’intégration sur le marché du travail des jeunes handicapés ou ayant des problèmes de santé.

Les «Neet» font depuis officiellement partie de l’agenda politique européen. La situation des jeunes décrocheurs européens est étroitement liée à l'économie du pays mais aussi aux politiques d’emploi et aux actions sociales. Chaque pays s’engage alors à lutter contre l’exclusion sociale des jeunes avec des effets sensibles et le taux de «Neet» a diminué depuis 2014. Avec la crise actuelle, la jeune génération est de nouveau frappée de plein fouet. Bruxelles renforce le dispositif désormais chiffré à 22 milliards d’euros, la limite d’âge s’étend désormais jusqu’à 29 ans.

Un cercle vicieux vers la pauvreté.

L’état de «Neet» peut être associé à la faible instruction, l’insuffisance des liens sociaux, l’exclusion financière ou encore la paupérisation. Si les pays nordiques ont des taux de «Neet» inférieurs au pays du sud, la situation des jeunes dans ces pays n’est pas pour autant satisfaisante. Aussi selon Claire Bernot-Caboche, docteure ès sciences de l'éducation, et auteure du rapport de recherche : “Les jeunes « invisibles » ni en éducation, ni en formation, ni en emploi et ni en accompagnement en France et en Europe”, si l’on veut mesurer les jeunes en situation d’exclusion, il faut ajouter au nombre de «Neet», les jeunes en emploi précaire.

Toujours selon la chercheuse, «Il est important de croiser les données afin de prendre en compte la situation dans sa globalité». Dans les pays où les taux de «Neet» sont faibles, il peut aussi y avoir une proportion élevée de jeunes travailleurs précaires avec un risque de paupérisation élevé. La Norvège et la Suède affichent ainsi des taux de risque de pauvreté des jeunes respectivement de 28% et 24% en 2019 pour des taux de «Neet» faibles de 6,4% et 6,3%. Les entreprises embauchent aujourd’hui majoritairement les jeunes en contrats précaires, intérim, apprentis, temps partiels, CDD de plus en plus courts ou encore en contrats aidés plutôt qu’en CDI. La précarité devient la règle en matière d’emploi des jeunes et augmente le risque de pauvreté des jeunes, un cercle vicieux que les pouvoirs publics se doivent de limiter.

Les chiffres d’Eurostat dressent un tableau alarmant : le risque de pauvreté des jeunes de 15-29 ans s’élève à 20,5% contre 16,8% pour l’ensemble de la population. Plus que jamais, la réinsertion des jeunes découragés par le monde du travail et de la formation est primordiale et essentielle pour lutter contre l'exclusion sociale.

SONAR EUROPE est une initiative conjointe de plusieurs médias européens soutenue par la Commission européenne (convention LC-0109393502). Conformément aux accords, les médias participants sont indépendants de toute instruction, pression ou demande émanant d'une institution de l'UE, d'un État membre de l'UE ou de tout autre État ou institution pour tout ce qui concerne le contenu éditorial qui est produit.

Les décrocheurs, premières victimes de la crise économique

S'ABONNER
Partager

Partager via :

Plus d'options

S'abonner
Aucun commentaire

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

À lire aussi