"On ne dit pas : demain matin on fera tout en bois", Luc Charmasson, président du CSF bois
Avoir désigné le bois comme LE matériau de la RE2020, a placé la filière bois-construction dans la position délicate de devoir tirer l'ensemble du secteur vers sa décarbonation alors même qu'elle commence en réalité sa propre montée en puissance. Qu'à cela ne tienne, elle s'est engagée "solennellement" auprès des élus, du gouvernement et de ses partenaires en lançant le « Plan Ambition Bois-Construction 2030 ». Du renouvellement des arbres à la fin du cycle de vie du bois de construction, le président du Comité stratégique de filière bois, Luc Charmasson explique au Moniteur.fr comment la filière bois compte faciliter la transition du secteur du bâtiment vers la neutralité carbone.
Propos recueillis par Adrien Pouthier
Les orientations de la RE 2020 ont pu donner l'impression qu'on opposait les matériaux entre eux et qu'on favorisait le bois au détriment du le béton notamment, déclenchant une polémique...
Je pense qu’iI y a eu un biais de communication lors de la présentation de Barbara Pompili et d’Emmanuelle Wargon en novembre dernier. Les ministres ont présenté les arbitrages soumis au CSCEE puis elles ont donné comme exemple la possibilité de construire 100% des maisons individuelles en bois. Cette représentation ne correspond pas à la réalité, bien entendu. Nous réalisons, en gros, pas tout à fait 10% des maisons individuelles et nous ne représentons au global que 6% du secteur de la construction. Nous sommes modestes et humbles et nous avons l’habitude de travailler avec les autres. Et nous savons très bien que nous ne pouvons pas réaliser 100% des constructions. Donc notre objectif à l’horizon 2030 ce sera 20 ou 30% des constructions. Et ça sera déjà bien. Ce qu’on souhaite surtout c’est un rééquilibrage dans l’utilisation des matériaux.
Et donc de la mixité ?
Au 18e siècle, il y avait le bois et la pierre et le bois dominait. Au 19e siècle, c’est l’acier qui l’a emporté. Au 20e c’est le béton. Ce que nous souhaitons c’est effectivement une plus grande mixité des matériaux pour utiliser chaque matériau à sa place. Le béton a démarré tout seul, aujourd’hui il se marie avec l’acier qui lui apporte de la souplesse et de la résistance Et nous nous avons énormément besoin de l’acier pour les assemblages, les fixations, les équerres etc…. Nous présentons d’énormes avantages en termes de décarbonation, en termes d’isolation, de souplesse. Ces qualités nous pouvons les apporter au béton et à l’acier avec lesquels on continuera à construire les immeubles de grande hauteur. On espère qu’on pourra faire des panneaux de façades - qui à l'heure actuelle représentent le plus gros marché pour la construction bois - ou des murs rideaux à l’intérieur des poteaux-poutres. Mais on ne dit pas « demain matin on fera tout en bois ».
Le bon exemple c’est celui du Village Olympique de 2024 : on en réalisera un peu plus de 30% en bois. Il y aura des immeubles 100% bois de moins de huit étages, et au-delà de huit étages, des immeubles mixtes. Ca sera un excellent laboratoire, un excellent démonstrateur et une vitrine extraordinaire.
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