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Le vélo a le vent dans le dos, mais la pente est raide

La crise du covid a donné un véritable essor à la pratique du vélo en France. Ses promoteurs, le Club des villes et territoires cyclables en tête, insistent toutefois sur la nécessité de pérenniser les acquis… et de passer à la vitesse supérieure.

2020 restera une année exceptionnelle pour l'usage du vélo dans les mobilités quotidiennes. D'abord porté en milieu urbain par les grèves du début de l'année, c'est surtout la pandémie qui lui a donné une solide "poussette", grâce à la peur ou l'absence des transports en commun, un trafic automobile en recul et un désir de distanciation. "C'est l'une des seules et rares bonnes nouvelles de la crise du covid", souligne le député Mathieu Orphelin à l'occasion de la conférence de presse du Club des villes et territoires cyclables, qui s'est tenue ce 9 février.

Son président, Pierre Serne, et le député Guillaume Gouffier-Cha, co-président du Club des élus nationaux pour le vélo, égrènent les trophées emportés ces derniers mois : un usage "en hausse de 30%" (vision bien plus optimiste que celle présentée début janvier par l'association de collectivités Vélo et territoires), plus d'un million de vélos réparés, des aménagements qui ont fleuri un peu partout en France, permettant d'ancrer physiquement la place du vélo, l'entrée en vigueur de plusieurs dispositions de la loi d'orientation des mobilités (LOM) – citons le forfait mobilités durables (d'abord pour les collaborateurs du privé et de l'État, puis des fonctions publique territoriale et hospitalière), l'obligation d'immatriculation des vélos neufs, le dispositif angles morts, les emplacements à bord des trains… –, de bons chiffres en matière d'accidentalité routière et même la relocalisation d'une partie de l'activité des cycles Mercier. Le tout porté par un changement de braquet du plan vélo entre les deux confinements, le lancement de l'opération "coup de pouce vélo", puis  sa prolongation.

La guerre des modes aura-t-elle lieu ?

"L'erreur serait de se reposer sur ses lauriers", alerte toutefois Mathieu Orphelin, qui tempère en outre les ardeurs : "On ne peut pas se satisfaire que la part du vélo dans les déplacements quotidiens passe de 3 à 3,5% alors que l'objectif fixé par le plan Vélo, c'est 9% en 2024. Il faut mettre la gomme !"

Avant tout, il s'agit de consolider l'acquis. Une étude réalisée en ligne par l'association auprès de 148 collectivités est source d'espoir : 81 des 93 collectivités ayant mis en place au moins un aménagement de transition prévoient de le pérenniser, voire de l'étendre, comme à Versailles, Rennes ou Aix-les-Bains, où "le jaune a laissé la place au blanc". Cela ne va toutefois pas sans heurts : "C'est la rançon du succès", concède Françoise Rossignol, maire de Dainville et première vice-présidente de la communauté urbaine d'Arras, pour qui cet essor du cycle doit conduire à "une nouvelle vision du partage de l'espace", sans obérer celui des piétons ou des transports en commun. La guerre des modes aura-t-elle lieu ?

Nécessité d' "écraser les pédales"

Ensuite, il conviendra d'"écraser les pédales" et de faire rougir le 11 dents ! "La marge de progression est immense quand on sait que 60% des déplacements domicile-travail de moins de 5 km sont faits en voiture", s'enthousiasme l'association. Reste que comme le souligne Mathieu Orphelin, cela passe notamment par un maillage des zones rurales et semi-rurales qui fait aujourd'hui défaut. "Il faut créer des pistes cyclables pour relier les bourgs, tous plus ou moins distants de 3 à 5 km", insiste l'élu. À défaut, comme l'a souligné tout récemment un rapport du sénateur Olivier Jacquin, l'essor du vélo en campagne ne se fera pas. Ce qui suppose de "saler la soupe des collectivités", en les accompagnant tant en matière d'ingénierie que de financement. Pierre Serne relève que "cela n'est pas forcément très coûteux de conduire une politique cyclable" et souligne que "le Club peut leur venir en aide" – l'association a d'ailleurs récemment publié un guide en ce sens. L'Ademe devrait également lancer ces prochains jours son programme Avelo 2. Mathieu Orphelin tempère toutefois le constat, en prenant l'exemple du refus d'un département d'entretenir une telle liaison en complément d'une route départementale. Guillaume Gouffier-Cha compte bien de son côté profiter du projet de loi "Climat et résilience", qui doit être présenté ce 10 février en conseil des ministres, pour faire avancer plusieurs dossiers. "Si le silence de la loi à l'égard du vélo interpelle, j'y vois une invitation à faire des propositions", s'exclame-t-il. Parmi elles : rendre obligatoire le forfait mobilités durables – "pour les grandes entreprises, on ne va pas embêter les PME/TPE avec ça", précise Mathieu Orphelin – et l'augmentation de son plafond dans la fonction publique (200 euros pour l'heure, alors qu'il est de 400 euros pour le privé) ; soutenir les flottes vélos dans la fonction publique ; rendre éligible l'achat d'un vélo comme prime à la reconversion ou encore soutenir l'achat d'un vélo non bénéficiaire d'une aide locale. Pierre Serne évoquant notamment ici "l'accompagnement financier des habitants des quartiers défavorisés".

De son côté, l'association entend renforcer le déploiement du programme "Savoir rouler à vélo" dans les écoles. "De plus en plus de collectivités sont volontaires", se réjouit Pierre Serne. L'association se fixe l'objectif de 200.000 enfants formés avant leur entrée au collège en 2022. Elle veillera par ailleurs au bon déploiement du dispositif de lutte contre le vol de vélos, qui reste il est vrai un véritable frein à son développement.

 

 

 

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