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Automobile : la révolution du logiciel bouscule le quotidien des constructeurs

Avec l'avènement du véhicule électrique et connecté, le logiciel prend sans cesse plus d'importance dans les voitures. Les constructeurs ont tous entamé des réflexions sur le sujet, notamment sur la question de développer eux-mêmes un système d'exploitation central des véhicules, à l'instar du pionnier Tesla. Volkswagen vient de son côté d'étendre son partenariat avec Microsoft.

L'ID.3 électrique de Volkswagen est le premier modèle du groupe allemand à intégrer un système d'exploitation central, conçu en interne.
L'ID.3 électrique de Volkswagen est le premier modèle du groupe allemand à intégrer un système d'exploitation central, conçu en interne. (Volkswagen)

Par Anne Feitz

Publié le 8 févr. 2021 à 07:38Mis à jour le 11 févr. 2021 à 09:17

Longtemps raillé par les dinosaures de l'automobile, Tesla est, plus que jamais, devenu l'exemple à suivre. Et pas seulement parce que le trublion du secteur est un pionnier de la voiture électrique, qui semble enfin décoller. L'autre grande force de la firme californienne, c'est de maîtriser entièrement les logiciels qui gouvernent ses voitures, avec des lignes de code développées de zéro par ses propres ingénieurs.

« Tous les constructeurs s'interrogent aujourd'hui sur leur stratégie dans ce domaine, car le logiciel va capter une part croissante de la valeur dans l'automobile », souligne Eric Kirstetter, associé chez Roland Berger. La voiture de demain, électrique et connectée, sera bourrée d'électronique : selon une étude réalisée par le cabinet, le coût des semi-conducteurs, qui représente 16 % du total dans une voiture à diesel ou essence, monte à 35 % dans une voiture électrique. Et cela devrait grimper encore dans les années à venir. Une révolution à laquelle les constructeurs ne sont pas encore bien préparés, comme en témoigne la pénurie de composants électroniques qui paralyse certaines usines d'assemblage en ce moment.

« Il y a déjà du logiciel partout dans la voiture », explique Eric Espérance, chez Roland Berger. C'est le cas dans des fonctions comme le freinage, l'éclairage, le chauffage, dans le système d'info-divertissement, dans la chaîne de traction et le moteur, ou encore dans les systèmes d'aides à la conduite, qui préfigurent la voiture autonome. Avec le véhicule électrique, la tendance est encore accrue car il faut piloter la batterie, la refroidir…

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Mise à jour à distance

« On compte ainsi 6 ou 7 grands domaines fonctionnels, qui constituent autant de familles de logiciels, avec des fournisseurs potentiellement différents », poursuit Eric Espérance. La connectivité croissante des véhicules permet en outre des mises à jour et des enrichissements (voire l'ajout de nouvelles fonctions) à distance.

Ces grandes familles de logiciels peuvent être pilotées séparément (c'est aujourd'hui le cas dans la plupart des voitures) ou par un calculateur central, qui constitue alors le système d'exploitation du véhicule. Une sorte de superviseur présentant aussi l'avantage de garantir plus de sécurité, et de simplifier l'interface entre les différents logiciels, qui de toute façon doivent être interconnectés. « Tesla a été le premier, et longtemps le seul, à vouloir concevoir une voiture autour d'un système d'exploitation central », rappelle Markus Collet, associé chez CVA (Corporate Value Associates). « C'était plus facile, car il partait d'une feuille blanche ».

Aujourd'hui, le logiciel occupe 55 % de l'effectif de Tesla, contre 25 à 30 % chez les constructeurs traditionnels, estime le BCG. « Tesla recrute d'abord chez Apple ou Microsoft », rappelait Vanessa Lyon, du BCG, lors d'une conférence la semaine dernière.

Pieds et poings liés

Pour les constructeurs installés, c'est une autre histoire. Face à cette révolution qui s'annonce, tous ont entamé il y a déjà plusieurs années de profondes réflexions autour du dilemme classique « make or buy », faire soi-même ou acheter. Engloutir des milliards pour tenter de concurrencer des géants de la tech disposant de compétences inégalées et de moyens illimités ou presque, ou leur abandonner une part croissante de la valeur ajoutée, avec le risque de se retrouver pieds et poings pendant des années, à chaque mise à jour des logiciels.

« Le groupe Volkswagen a été le plus radical », avance Markus Collet. Dès son arrivée aux commandes du géant de Wolfsburg en 2018, Herbert Diess a décidé que l'entreprise devait aussi devenir un fabricant de logiciels. En janvier 2020, le groupe a rassemblé ses ingénieurs dans ce domaine dans une division autonome, Car. Software , avec pour ambition affichée de faire passer la part des logiciels développés en interne à 10 % actuellement, à 60 % d'ici à 2025.

Car. Software va investir 7 milliards d'euros et employer à terme 10.000 ingénieurs, sans s'interdire de s'appuyer sur des partenaires, comme Continental dans le logiciel, ou Microsoft pour le cloud.

L'industriel allemand vient d'ailleurs d'annoncer qu'il amplifiait sa collaboration avec le géant américain, initiée en 2018: en plus du cloud de Volkswagen, Microsoft va l'épauler dans le développement de ses logiciels de conduite autonome et de voiture connectée - pour obtenir un « développement plus rapide de services sécurisés et confortables de mobilité ».

Transformer le mastodonte n'est toutefois pas un long fleuve tranquille, comme l'ont montré les déboires de l'ID3, le premier modèle du groupe à intégrer un « car OS » (un système d'exploitation pour les voitures) central.

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« Fast follower »

Toyota, qui vient de doubler Volkswagen au rang de premier constructeur mondial, planche également sur le sujet. Le géant nippon a recruté en 2016 un spécialiste de la robotique venant de Google, James Kuffner, qui travaille sur la voiture autonome mais aussi sur le développement d'un OS ouvert pour les voitures du groupe, baptisé « Arene » .

Les autres semblent moins avancés. « Je suis très content qu'il y ait des précurseurs dans ce domaine », souffle Gilles Le Borgne, directeur de l'ingénierie de Renault, qui a commencé à travailler sur le développement d'un « car OS » - sans avoir pris de décision pour le moment. « Mercedes et BMW ont eux aussi clairement dit qu'ils souhaitaient maîtriser leur OS central », indique Markus Collet.

Quant à Stellantis , qui a créé un poste de directeur du logiciel - un « chief software officer » rapportant directement au big boss Carlos Tavares, un poste confié à l'ex-patron de DS, Yves Bonnefont-, il dévoilera ses plans dans quelques semaines, lors de l'annonce de son plan stratégique.

« Les constructeurs pourraient également s'associer pour faire front face aux géants de la tech. VW a déjà proposé de mettre son OS à disposition de ses concurrents », avance Markus Collet. Le patron de Tesla, Elon Musk, a lui aussi évoqué il y a quelques jours l'idée de licencier les logiciels de la firme californienne.

Alliances dans l'info-divertissement

Parallèlement à leurs réflexions sur le « car OS », les constructeurs ont commencé à arrêter leurs stratégies sur les autres domaines, à commencer par l'info-divertissement. Si certains comme VW restent réticents à s'allier aux géants de la tech, d'autres ont déjà franchi le pas.

Renault a ainsi été l'un des premiers à signer avec Google pour développer (avec ses partenaires Nissan et Mitsubishi) un système sur base Android, qui permettra à ses clients de retrouver leurs applications Google dans la voiture. Il a été suivi depuis par General Motors, et tout récemment par Ford . En s'associant avec l'un des acteurs les plus performants du secteur, ils espèrent aussi développer d'autres services dans leurs voitures, de vente en ligne par exemple, et valoriser les précieuses données ainsi générées. Un enjeu crucial de la voiture du futur.

Anne Feitz

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