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Témoignage

« Mon job : renommer les entreprises »

Nina est une littéraire, une créative, mais comme beaucoup, ne sachant pas vraiment dans quelle voie s'orienter, elle entre en école de commerce. Au moment du stage, elle découvre un métier méconnu : le renaming.

Nina, 27 ans, travaille à trouver de nouveaux noms aux entreprises.
Nina, 27 ans, travaille à trouver de nouveaux noms aux entreprises. (D.R.)
Publié le 16 févr. 2021 à 13:00Mis à jour le 13 févr. 2023 à 16:18

« Comme beaucoup, j'ignorais que ce métier existait avant d'intégrer une agence spécialisée dans la création de noms de marques. Je supposais que les entreprises, ou plutôt leurs pôles communication ou marketing s'en chargeaient. Pour être tout à fait franche, et vu mon parcours, je crois que je n'y avais jamais songé.

Puisque j'ai toujours aimé les histoires, lire, écrire, j'ai passé un Bac L et intégré une préparation littéraire. Si j'en suis sortie enrichie de l'exigence de mes professeurs, de connaissances nouvelles, j'étais désorientée. Dans mes moments les plus lyriques, je rêvais de devenir metteuse en scène ou écrivaine, et les jours pragmatiques, éditrice.

Le stage : une heureuse rencontre avec mon métier

Sur les conseils de mes parents et en boudant un peu, après des concours peu préparés il faut l'admettre, je suis rentrée en école de commerce… Dans un monde qui m'est alors étranger, j'oriente toutes mes expériences vers les arts et la littérature, de l'association étudiante au mémoire. Bref, je réussis à tirer parti des avantages de cette école, si bien que je m'y trouve assez heureuse. Quand vient le moment de la recherche de stage, je comprends mieux les métiers auxquels je peux aspirer. Séduite par la découverte de la création de noms, je postule et entre chez Nomen, une agence de naming, pour un stage de six mois.

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Les premières semaines sont assez frustrantes pour la jeune étudiante que je suis. Mon nouveau travail consiste à créer des noms, et comme je ne sais pas ce qu'est un bon nom, je ne parviens pas à m'améliorer. Je noircis des pages de mots inventés ou issus de longues recherches encyclopédiques, qui ne sont pas retenus, sans rien entendre des raisons qui motivent les choix des chefs de projet.

Je comprends plus tard que leur expérience les conduit à sélectionner des noms susceptibles d'être libres. En effet, environ trois millions de marques sont déposées auprès de l'INPI (l'Institut national de la propriété industrielle). Il est donc essentiel de s'assurer que les noms proposés aux clients ne sont pas déjà déposés. Le métier de création de noms nécessite donc de la créativité, mais également de la rigueur. La présence au sein de mon entreprise d'un cabinet juridique en propriété industrielle m'éclaire au quotidien sur les subtilités du droit des marques, des compétences que je n'aurais jamais imaginé approcher.

Comme un grand nombre de termes du dictionnaire sont déjà préemptés, mon métier consiste à dénicher les rares mots encore disponibles, à m'inspirer de leur étymologie, à chercher leur traduction dans des langues plus ou moins proches, ou à convoquer des métaphores, des symboles éloignés de l'activité en question. Mon parcours littéraire m'a offert un solide bagage culturel et linguistique essentiel pour ce job.

Le premier projet que j'ai suivi a été déterminant dans mon envie de rester chez Nomen. J'assiste le directeur du pôle naming dans le changement du nom de Selency, ex-Brocantelab, un site qui sélectionne les plus belles pièces vintage des brocanteurs ou des antiquaires pour inspirer les férus de déco et meubler leurs intérieurs. Les fondateurs Charlotte Cadé et Maxime Brousse me semblent si impliqués que je suis terrifiée à l'idée de les décevoir. Grâce à cette expérience, j'ai saisi qu'un bon nom doit, en plus de surmonter les vérifications linguistiques et juridiques et de répondre à une stratégie définie, être dédié à la sensibilité des clients. C'est pourquoi le moment de la présentation des noms est crucial. Nous expliquons aux clients les raisons pour lesquelles les noms que nous avons créés pour eux répondent à leur problématique, initient le début d'une histoire qui saura nourrir leur communication. Ces présentations sont comparables à de rapides commentaires de textes, ou plutôt de noms, tels qu'on les pratique quand on poursuit des études littéraires.

S'immerger dans des secteurs très variés

L'effervescence de la vie de l'agence, d'une équipe à taille humaine composée de littéraires, comme d'informaticiens, de linguistes et de commerciaux, de graphistes, de juristes, de professionnels de la stratégie et de la communication m'a immédiatement séduite. J'apprécie les échanges interculturels que j'entretiens avec les bureaux allemand et italien, la présence d'une collègue anglaise à Paris qui se fait garante de l'acceptabilité des noms dans divers pays via à un réseau de plus de 1.000 linguistes éparpillés dans 190 pays du monde.

J'ai été conquise par l'adrénaline du travail « en mode projet », par la diversité des clients, car nous accompagnons aussi bien des start-up (Mindsay, Nooco, etc.) que des grands groupes (Renault, Nestlé, Amundi, etc.). La nécessité de s'immerger dans des secteurs très variés satisfait pleinement ma curiosité.

Le mot juste qui aura un impact sur son environnement

Depuis un an et demi, mon poste est devenu plus commercial : je tente de déployer la méthodologie la plus adaptée en fonction des besoins et des spécificités de chaque entreprise. Le lien, la relation de confiance construite étape par étape avec le client, du premier coup de fil à la cession de droits du nom, concentrent aujourd'hui toute mon attention.

Ce job me convainc chaque jour que le mot juste, en tant qu'il constitue le socle du dialogue, de notre rapport à l'autre, peut avoir un impact sur son environnement. C'est pourquoi, questionner les idées et réinventer les processus créatifs sont essentiels et rendent ce poste polymorphe et terriblement excitant pour tout amoureux des mots. »

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Nina Derai

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