Publicité

Recherche de stage en pleine pandémie : ça se bouscule au portillon

Le gouvernement vient d'annoncer la mise en ligne au 1er mars de plus de 30.000 stages sur sa plateforme 1jeune1solution. Une façon de répondre à une situation particulièrement tendue, dans laquelle de nombreux étudiants sont en compétition pour un faible volume d'offres.

Le volume d'offres de stage dans le secteur privé a baissé de 20 % en 2020.
Le volume d'offres de stage dans le secteur privé a baissé de 20 % en 2020. (iStock)

Par Ariane Blanchet

Publié le 19 févr. 2021 à 18:00Mis à jour le 13 févr. 2023 à 16:18

« [ERROR 404], impossible de trouver un stage en communication en raison d'une situation sanitaire instable. » « Ces messages d'erreur ne cessent d'apparaître durant mes recherches… Pouvez-vous m'aider à trouver un stage svp ? » Dimitri Engelmann, étudiant de deuxième année en stratégies et supports de communication à l'IUT du Havre, a décidé de faire preuve de créativité sur Linkedin pour décrocher le Graal. Sur sa trentaine de candidatures envoyées depuis janvier, « seulement deux réponses, négatives bien sûr ».

« Environ 80 % des camarades de ma classe n'ont pas encore trouvé de stage, s'inquiète pour sa part Dimitri Loukachewski, étudiant en première année à la Montpellier Business School. Habituellement à ce stade de l'année, cela ne concerne que la moitié des élèves ». L'étudiant, qui peine à trouver un stage pour mars, a le sentiment d'être sur chaque offre confronté à une forte concurrence entre candidats. Et il ne croit pas si bien dire.

Embouteillage sur l'autoroute

Le volume d'offres de stage dans le secteur privé a baissé de 20 % en 2020, d'après le Dares (service statistique du ministère du Travail). En cause, « la baisse d'activité voire la mise à l'arrêt complète de certains secteurs gros pourvoyeurs de stages, comme le tourisme », mais aussi les réticences des entreprises de tous secteurs à devoir former et accompagner un stagiaire en tout distanciel, analyse Alexandre Judes, économiste chez Indeed. Sur cette plateforme, deuxième site d'emploi en France après Pôle emploi, la proportion de stages dans le total des offres en février 2021 était de 2,6 %, contre 3,5 % en février 2020. Le tout, dans un volume d'offres en baisse.

Publicité

Côté demandeurs, la recherche de stage est particulièrement intense. Sur Indeed, le pic, traditionnellement situé entre mars et juin, était plus élevé en 2020 qu'en 2019. Le signe de candidats davantage fébriles et sous pression dans leur recherche, mais aussi d'un « nombre total de candidats plus importants », estime Célica Thellier, fondatrice de ChooseMyCompany. Les stages à l'étranger étant annulés, les aspirants stagiaires se concentrent spécifiquement sur la France. S'ajoutent à cela les étudiants qui ont décidé de retarder leur entrée sur le marché du travail en réalisant un stage supplémentaire en fin de cursus.

Un sacré embouteillage, donc, que le gouvernement entend décongestionner avec plus de 30.000 stages mis en ligne sur la plateforme 1jeune1solution à partir du 1er mars. Cette annonce fait suite à un certain nombre d'assouplissements des conditions du stage (possibilité de réaliser son stage en 100 % télétravail, dans une fourchette de temps plus large, et dans un secteur éloigné de ses études), mesures saluées par Morgan Saveuse, directeur des études au Cesi, une école d'ingénieurs. « Tout le monde s'attendait à une situation catastrophique notamment après le premier confinement mais en fin de compte, les entreprises jouent le jeu et prennent des stagiaires. Nous avons même des jeunes qui ont fait leur stage à l'étranger en étant en full télétravail. »

Des étudiants sous tension

Reste que depuis le début de la pandémie, un nombre inédit d'étudiants ont appelé à l'aide le Centre d'Information et de Documentation Jeunesse (CIDJ) pour enfin décrocher un stage. « Certains d'entre eux, résignés, ont complètement arrêté leurs recherches », déplore Valérie Deflandre, conseillère au CIDJ.

Un sentiment de frustration alors qu'ils s'étaient souvent bien préparés à la recherche. « Ils arrivent à se débrouiller seuls, ils ont une bonne méthode de recherche, il y a peu de remarques à faire sur leur CV… D'où le sentiment de se trouver démuni ». Toute la difficulté est alors d'aider de bons candidats à chercher plus largement, sur des plateformes qu'ils ne connaissent pas, et vers des plans B qu'ils n'envisageaient pas.

Et, fait nouveau de la pandémie, beaucoup de ces étudiants se mettent à se confier de façon personnelle, note Valérie Deflandre. « Ils ont besoin de faire le point sur leur environnement professionnel, mais aussi sur eux, sur leurs atouts en termes de personnalité ». Certains en viennent même à parler de leur mal-être.« Hier encore, un jeune homme m'a posé la question : 'quand vous avez des idées noires, comment les gérez-vous ?' »Sortis de longs mois sans interactions sociales ni la possibilité de questionner en face-à-face leurs professeurs ni d'échanger avec leurs camarades de classe sur leurs recherches, beaucoup « s'enferment dans une angoisse, le sentiment qu'ils ne s'en sortiront pas et qu'ils ne parviendront pas à boucler leur cursus », note Valérie Deflandre.

Ariane BLANCHET

Publicité