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ARCHIVES FAMILIALES

Avec la fermeture de Gibert Jeune, c’est un peu du Quartier latin de Paris qui s’éteint

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Publié le 24 février 2021 à 00h22, modifié le 26 février 2021 à 16h44

Temps de Lecture 17 min.

Quand la grande librairie Gibert Jeune baissera définitivement ses stores à la fin du mois de mars, que les étals et rayonnages auront été débarrassés de la multitude de livres neufs ou d’occasion qui fit sa réputation et sa gloire, que les vieux escalators récemment rénovés s’immobiliseront, plongeant l’immeuble principal dans un étrange silence uniquement rompu par le glissement furtif des souris, et qu’enfin libraires, vendeurs, vigiles, caissières et manutentionnaires franchiront une dernière fois les portes des quatre sites donnant sur la place Saint-Michel, où beaucoup ont fait la quasi-totalité de leur carrière, alors c’est une longue page d’histoire qui se tournera tristement.

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L’histoire d’un quartier de Paris autrefois si joyeux et longtemps associé à l’étude, aux idées, à la jeunesse et à la connaissance ; l’histoire de la librairie française, confrontée à de nouvelles habitudes de lecture et d’achat et à un marché de l’immobilier asphyxiant ; l’histoire aussi d’une dynastie – les Gibert – qui, en cent trente-cinq ans, a porté au plus haut l’étendard de la librairie indépendante et entretenu avec des générations d’étudiants, bibliophiles et lecteurs, un lien d’extrême familiarité au point que beaucoup le croyaient éternel.

Oui, c’est une sorte de phare des lettres parisiennes fréquenté jadis par Gide, Cioran, Malraux, Duras, Modiano, Nothomb, Orsenna ou… Gainsbourg qui s’éteindra à jamais, plongeant la place dans une inquiétante pénombre. Aucun livre, hélas, n’a jamais conté les épisodes de cette saga familiale dont les héritiers continuent, par culture et tradition, de privilégier une discrétion ancestrale. Tâchons donc d’en retracer le fil.

Le 20 septembre 1958, deux écoliers, les bras chargés de livres, sortent de la librairie Gibert Joseph à Paris. La rentrée des classes amène sa foule habituelle de clients pour l'achat de livres scolaires.

Il était une fois un jeune homme volontaire, ambitieux et ardent, qui adorait les livres, vénérait le savoir et croyait en l’école émancipatrice. Il s’appelait Gibert. Joseph Gibert. Il était né en 1852 dans une famille d’agriculteurs, modeste et pieuse, de Haute-Loire et avait été tenté un temps par la prêtrise, étudiant au séminaire de La Chartreuse, près du Puy-en-Velay, avant de se tourner vers l’enseignement, tourmenté, confiera-t-il à sa sœur Marie devenue elle-même religieuse, par la lourdeur du secret de la confession.

Bref, devenu pour quelque temps professeur de lettres classiques au collège Saint-Michel de Saint-Etienne, le jeune impatient se prit à rêver d’un autre destin et entreprit, en 1886, le grand voyage vers Paris. Il avait un plan, bien sûr. Des convictions sur les bienfaits de la réforme Jules Ferry rendant l’école gratuite et obligatoire. Et des livres. Une malle de livres qui constitua son premier fonds de commerce lorsqu’il s’installa sur le parapet du quai Saint-Michel, disposant les ouvrages – essentiellement scolaires − dans deux, puis trois, puis quatre boîtes « vert wagon », la couleur du métropolitain, des fontaines Wallace et des colonnes Morris. Son nouveau métier était bouquiniste. Et cela l’enchantait.

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