La Relève. Chaque mois, « Le Monde Campus » rencontre un jeune qui bouscule les normes. De retour sur terre mais toujours entre deux flots. Le jour où nous rencontrons Clarisse Crémer, on nous prévient : la navigatrice a un programme très serré. Elle sort d’une matinale télé, enchaîne avec un déjeuner avec un quotidien, pour filer ensuite à la radio. A peine le pied posé sur le ponton des Sables-d’Olonne, le 3 février, que tout le monde s’arrache « Clacla », première des skippeuses à avoir bouclé le Vendée Globe 2020-2021. Arrivée à la 12e place, après 87 jours de solitude en mer, elle est la nouvelle détentrice du record féminin du tour du monde en solitaire en monocoque. Clarisse, elle, se laisse porter, sans regarder la montre, « la tête encore au large ».
Elle intrigue, cette navigatrice de 31 ans, diplômée d’HEC, qui s’est vu proposer la mythique course à peine quatre ans après s’être lancée dans la voile. Sans viser la « performance » – l’objectif premier était d’aller « au bout », déjà une gageure –, la nouvelle venue n’était pas loin de faire de l’ombre aux marins qui jouaient la gagne en tête. Elle a captivé le public, embarqué avec elle grâce à des vidéos d’étapes où la skippeuse dévoilait sans fard et avec humour les joies et les doutes de ses quatre-vingt-sept jours de tour du monde. Ses réseaux sociaux ont peu à peu affiché des dizaines de milliers de fans, parfois peu connaisseurs de ce sport.
Un caractère atypique
C’est que Clarisse Crémer est de ces ovnis en leur milieu qui permettent de croire que tout reste possible. Plus jeune, celle qui a grandi en région parisienne, à Saint-Cloud (Hauts-de-Seine), n’avait pratiqué la navigation qu’au travers de quelques stages de catamaran, l’été avec ses cousins, et seulement une petite course amatrice au lycée. C’est à HEC qu’elle a commencé à mettre le pied dans l’engrenage : au club voile de l’école, elle organise une croisière pour des enfants en rémission de cancer – « une baffe en pleine poire ». Là, elle rencontre celui qui deviendra son mari, le skipper Tanguy Le Turquais. Mais sa trajectoire ne dévie pas encore.
Clarisse a, certes, toujours été « atypique ». « Plutôt du genre balade en forêt et escapade dans la montagne que grosses teufs, comme les jeunes de son âge », raconte son frère aîné Jérémie Crémer. Mais depuis l’adolescence, elle s’applique à suivre le « parcours royal » de la bonne élève : un bac S dans un lycée privé réputé de Rueil-Malmaison (avec mention très bien), une classe prépa à Ginette (lycée privé jésuite situé à Versailles), et un ticket pour la meilleure école de commerce de France. « La suite logique », dit-elle. Dès la sortie d’école, elle lance une start-up de séjours « outdoor » avec son frère Jérémie. La famille a l’âme entrepreneuriale : un père fondateur du site meilleurtaux.com, une mère passée par la banque, qui désormais investit à son compte dans de jeunes pousses.
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