Chloé Vannier, étudiante en artisanat d’art : “Je n’ai pas rattrapé les heures d’atelier perdues pendant le confinement”

ÊTRE ÉTUDIANT EN TEMPS DE PANDÉMIE – Pour ses études, Chloé Vannier voulait du concret. Alors elle s’est tournée vers l’artisanat d’art, avec ses perceuses, ses marteaux et ses machines de découpe. Des pratiques totalement interrompues par le premier confinement, la forçant plus que jamais à apprendre “sur le terrain”.

Par Xavier de Jarcy

Publié le 25 février 2021 à 16h00

Chloé Vannier, 20 ans, a choisi les métiers d’art. Après un bac S, elle a tenté une classe préparatoire en école d’ingénieur, mais les cours étaient trop théoriques à son goût. Alors elle a bifurqué vers l’école Boulle, à Paris, un établissement public célèbre depuis plus d’un siècle pour ses formations aux métiers du meuble : l’ébénisterie, le bronze, la tapisserie d’ameublement, la sculpture sur bois, la marqueterie… « Ce qui m’intéresse, c’est la concrétisation, explique-t-elle. Je voulais apprendre à fabriquer par moi-même. »

Alignées derrière d’imposantes façades de brique, près de l’ancien quartier des artisans du faubourg Saint-Antoine, dans le 12e arrondissement parisien, les machines de découpe, les fraiseuses numériques, les perceuses à colonne sont pour cette étudiante de deuxième année « des extensions de la main ». Elle aime le travail du métal, le temps passé en atelier à découvrir les techniques, à manier les machines. C’est là qu’une vie d’équipe se crée, que le savoir se partage, de professeur à élève, d’étudiant à étudiant.

Seize heures par semaine, toujours guidée par un enseignant, il faut bien cela pour apprendre à donner forme au métal par forgeage, par tournage ou au marteau, pour s’initier au ciselage, pour comprendre les secrets de l’assemblage « par soudure, par brasure, par vissage ou par emboîtement ». Lorsque l’on maîtrise toutes ces opérations, on peut se dire « bronzier d’art ».

Quand le premier confinement est tombé comme un couperet, en mars 2020, tout cela a disparu. Pendant quatre mois, Chloé Vannier n’a pas touché à une machine. Cette année-là, elle voulait passer le CAP (certificat d’aptitude professionnelle) de monture en bronze en candidate libre. L’épreuve, prévue en juin, a été reportée en septembre, ce qui lui a permis de rattraper une partie du temps d’atelier perdu, en travaillant sans arrêt pendant quelques semaines. « Hélas, mes camarades qui ne passaient pas le CAP n’ont pas pu se remettre dans le bain aussi rapidement que moi. » Et ceux qui terminaient leur cursus en 2020 ont eu beaucoup de mal à réaliser la « pièce de diplôme » exprimant toute leur créativité et leur dextérité.

“Les étudiants s’ennuient. Ils n’ont que huit heures de pratique par semaine, ne croisent pas leurs camarades et voient peu leurs professeurs d’ateliers.”

En novembre dernier, un deuxième confinement a pu être évité car le rectorat a maintenu l’école ouverte. Les élèves ne sont qu’une quinzaine par classe, ce qui facilite la « distanciation ». Dans les ateliers, chacun désinfecte la machine qu’il utilise. Et les étudiants ont souvent leurs propres outils. Tout cela ne pose pas de difficulté. En revanche, « je n’ai pas rattrapé les heures perdues pendant le confinement, estime la future artisane d’art. Comme nous n’aurons pas abordé certaines techniques, nous devrons les apprendre sur le terrain. » Ce problème s’ajoute à la réforme du diplôme, qui cherche à associer métiers d’art et design, mais diminue les heures d’atelier au profit d’enseignements plus généraux comme la communication.

La prestigieuse école Boulle n’en souffre pas trop, mais ailleurs les réductions sont sévères : « Les étudiants s’ennuient. Ils n’ont que huit heures de pratique par semaine, ne croisent pas leurs camarades et voient peu leurs professeurs d’ateliers, alors qu’ils étaient venus pour apprendre un métier manuel. » Non seulement certains sont déçus, mais ils ont du mal à décrocher des stages, car les professionnels ne les trouvent pas assez formés. La réforme passe mal : des grèves ont éclaté à la fin de l’année dernière. Chloé Vannier se dit plutôt optimiste sur son sort personnel, mais « inquiète quant à la survie de ces formations, et surtout de ces métiers. On a l’impression qu’être artisan d’art est mal vu, alors que mes camarades et moi nous avons choisi de l’être car nous trouvons cela extrêmement beau ».

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