La réforme Paces source de nouvelles inégalités entre étudiants en médecine à Lille ?

À Lille (Nord) comme partout en France, les étudiants en médecine 2020-2021 sont les premiers de la nouvelle réforme supprimant la Paces, jugée inégalitaire par beaucoup.

Les étudiants de l'Université de Lille 2 (Nord) sont, comme partout en France, les premiers à essuyer les plâtres de la nouvelle réforme de première année de médecine.
Les étudiants de l’Université de Lille 2 (Nord) sont, comme partout en France, les premiers à essuyer les plâtres de la nouvelle réforme de première année de médecine. (©Charlotte Huguerre/Lille Actu)
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Fatigués, énervés, déçus, au bord du gouffre pour certainsLa détresse des étudiants n’est plus à prouver en cette période de crise sanitaire. Parmi eux, les nouveaux arrivés en études de médecine semblent subir une double peine : déjà réputée éprouvante, la première année de médecine applique cette année une nouvelle réforme, jugée inégalitaire par beaucoup. À Lille (Nord), les étudiants et collectifs alertent sur les problèmes qu’elle engendre.

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Deux cursus remplacent la Paces

La réforme est prévue depuis le 24 juillet 2019, par la loi relative à l’organisation du système de santé. Une réforme censée abaisser le taux d’échec d’entrée en deuxième année de médecine et diversifier les profils de nos futurs médecins. Donc, plus de Paces (première année commune aux études de santé), mais désormais deux cursus : le Pass (parcours accès santé spécifique) et la Las (Licence accès santé).

Pour cette diversification des profils, le Pass consiste en un programme supposé allégé des cours de Paces, avec une Unité d’enseignement d’ouverture ou « mineure », dans une filière plus traditionnelle, comme du droit, de la psychologie ou des langues… A contrario, la Las est une licence classique, avec une « mineure » santé.

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Après cette première année, les étudiants passeront un concours pour intégrer une filière MMOPK (Médecine, Maïeutique, Odontologie, Pharmacie, Kinésithérapie). Déjà très sélectif, la réforme a désormais supprimé le redoublement. En cas d’échec, les Pass et Las ne recommenceront pas leur année, mais une seconde chance pourra leur être offerte. Les Pass ayant tout de même validé leur année seront réorientés en Las 2 de leur « mineure » et pourront repasser un concours accès santé. Pour ceux n’ayant ni le concours, ni validé leur année, retour à Parcoursup, pour se réorienter vers une licence classique. En cas de second échec au concours d’entrée, l’étudiant pourra continuer sa licence.

Un problème d’équité entre Pass et Las ?

« Le premier problème est là, souligne Alice, du collectif Pass/Las lillois. Sans vouloir les mettre en concurrence ni dénigrer un cursus plus que l’autre, on a l’impression qu’un Pass aura plus de difficulté à intégrer la deuxième année qu’un Las. Faire quatre jours de médecine par semaine et une journée d’espagnol, par exemple, ça n’a rien à voir au niveau de la charge de travail que de faire quatre jours d’espagnol et un de médecine. Et les Las qui auront leur concours risquent d’en pâtir en deuxième année. »

Un problème filé par les inégalités dans le traitement des mineures en Pass. Une étudiante, qui souhaite rester anonyme, témoigne : « J’ai été prise en Pass mineure droit. Sauf que le droit, ce n’est pas du tout ce que je veux faire… En plus, contrairement à d’autres UE, je n’ai jamais eu de cours en présentiel. Tout était à distance et, avant notre partiel, on a juste eu des tonnes de polycopiés à apprendre par cœur. En plus des cours de médecine, c’est impossible. »

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Pierre, lui, a pu obtenir une mineure Staps (Sciences et techniques des activités physiques et sportives). « J’ai de la chance. J’aimerai faire de la kiné et Staps c’est une mineure qui me convient parfaitement. Contrairement à d’autres, je sais que la charge de travail est moins forte et en plus ça me plait ! Mais, avec mes amis, on a l’impression que les Las sont plus avantagés. Un jour de cours en plus, c’est un jours de révision en moins. »

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Un problème d’équité que dément totalement le doyen de l’Université de Lille 2, Dominique Lacroix. « Cela fait des mois que l’on travaille dessus, pour une réforme équitable. Parents et étudiants se sont mis en tête qu’il y avait une voie royale, le Pass, et une voie moindre, la Las. On a travaillé pour que les étudiants des deux cursus aient le même pourcentage de réussite : 24 %. »

Mais pour lui, certains problèmes d’égalités existent bel et bien. « J’ai bien conscience des inégalités entre les mineures. Nous ferons en sorte d’uniformiser les notations des mineures, on ne veut pas que les UE d’ouverture soient pénalisants pour nos étudiants, au contraire ça devrait être valorisé ! C’est tout l’intérêt de cette réforme. Grâce à sa mineure, un étudiant qui rate les concours n’aura pas perdu de temps de travail, son année sera reconnue. L’ancien système était une machine à broyer : une fois le concours raté deux fois, plus rien. L’étudiant se retrouvait sans rien, sans reconnaissance, alors qu’il travaillait dur. »

Fini le numérus clausus… Mais pas les redoublants Paces

Le problème du nombre de places est au cœur de la réforme… censée augmenter le numérus clausus (nombre de places fixe). Désormais, c’est un numérus apertus, pouvant varier d’une fac à l’autre. Et un autre problème se pose pour cette première année : les redoublant Paces. Ces étudiants redoublants leur premier année (2019/2020), s’ajoutent aux étudiants déjà nombreux en Pass/Las. « Bien évidemment, ça n’est pas de leur faute, explique Laurence, membre du collectif lillois. Mais on a l’impression que la réforme est mal préparée. C’est comme s’ils volaient les places des primants 2020/2021. »

Sur les 2 235 étudiants lillois (1 473 en Pass et 762 en Las), 569 places sont disponibles pour la deuxième année en MMOPK. « Les Paces redoublants auront 275 places. Forcément, c’est ça de moins pour les primants. Le problème n’existera plus l’année prochaine, car il n’y aura plus de Paces, mais en attendant, ce sont nos enfants qui triment. »

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Un problème commun à toutes les facs, même si Lille semble sortir du lot. « Nous avons eu des directives du ministère, détaille Dominique Lacroix. Par fac, ils ont pris les taux de réussite historique sur les dernières trois années des redoublants Paces pour calculer le nombre de places, en faisant en sorte, qu’arithmétiquement, un redoublant en 2021 ait la même probabilité de réussite. Le ministère nous a demandé d’enlever sur nos traditionnels 907 étudiants primés 535 places, abaissant le nombre à 372. On a fait ce qu’on a pu et on a réussi à le passer à 569, en augmentant en moyenne de plus de 100 étudiants les promos. On a gonflé à l’extrême nos capacités, après on ne peut pas pousser les murs de la fac à l’infini ! »

Lille plutôt bien lotie

Contrairement à d’autres facultés françaises, Lille a permis à une partie de ses étudiants de reprendre les cours en partie en présentiel. « Ça nous a beaucoup remotivés, avoue Pierre. Là-dessus, ils ont fait le max, c’est vraiment bien. »

Bien que remotivés par cette annonce, certains étudiants et parents lillois n’en comprennent pas d’autres. « Après les examens du premier semestre, reprend Alice, au lieu d’avoir un premier classement avec leurs notes, ils ont tous été classés dans des catégories, allant de A à E. » Chaque catégorie comprend environ 300 élèves. « Ça veut tout et rien dire, s’énerve une étudiante. Je suis en catégorie C, mais du coup je ne sais pas si ça vaut le coup que je bosse plus ou non, si j’ai quand même une chance d’avoir le concours. »

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Tout comme l’annonce d’oraux d’admissibilité, censés départager les Pass ayant validés leur année mais raté de justesse le concours. Sur ce point, le doyen répond : « Certains étudiants pourront être admissibles, c’est à dire qu’ils devront passer des oraux pour avoir une chance d’aller en MMOPK. C’est une volonté de notre part de rester flou pour le moment, pour éviter aux prépas frauduleuses de profiter de nos élèves. » Des prépas privées, censées aider les étudiants à préparer les étudiants aux concours, moyennant de fortes sommes d’argent.

« On leur coupe l’herbe sous le pied. Les étudiants admissibles seront prévenus et préparés en temps voulu. Tout ce que je peux dire pour le moment, c’est qu’il y aura quatre épreuves orales à la suite, sur une durée totale d’une heure, faisant appel par exemple à des compétences de rigueur scientifique, d’argumentation, de synthèse… »

D’un point de vue national, le collectif Pass/Las rencontrera bientôt deux députés, Benoit Potterie, du Pas-de-Calais et Valérie Bazin-Malgras, de l’Aube. Tous les deux ont été chargés d’une « mission flash » par l’Assemblée nationale, afin de se pencher sur la réforme et les problèmes qu’elle soulève.

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