« Génération Yann Arthus-Bertrand. » Voilà comment un responsable d’école d’agro surnommait ses étudiants il y a dix ans. Avec cette formule, il relevait, chez ces jeunes, une approche un brin romantique des questions environnementales. Aujourd’hui les choses ont changé. A AgroParisTech, la grande école parisienne référence du secteur, le directeur général Gilles Trystram le constate : « En école d’agro, les étudiants sont souvent plus engagés sur ces questions que ceux d’autres grandes écoles. Mais désormais, cet engagement est non seulement plus fort qu’il y a dix ans, mais aussi plus exprimé. » Et plus ancré. Avec un père travaillant dans le domaine de la responsabilité sociale des entreprises (RSE), Marlène, étudiante à AgroParisTech, baigne dans les questions écologiques depuis son adolescence. Avant même de pousser les portes de cette même école, dont elle est maintenant diplômée, Adèle avait été marquée par les livres de Pierre Rabhi mais aussi de Perrine et Charles Hervé-Gruyer, les fondateurs de l’école de permaculture du Bec-Hellouin (Eure).
Les évolutions sociétales n’y sont évidemment pas pour rien. Comme le résume Marie Lummerzheim, directrice de l’école UniLaSalle Rouen, « la réalité frappe plus dur, ces jeunes ont perdu le côté “sauvons les petits oiseaux” ». Contrairement à leurs aînés, depuis leur enfance, ils sont les témoins de bouleversements climatiques, de crises sanitaires, de questionnements autour du « bien manger ». Autant d’épisodes qui « participent à leur éveil », analyse Pascal Laffaille, directeur de Toulouse INP-Ensat. « Leur profil s’est exacerbé, confirme Séverine Cavret, responsable pédagogique à Isara-Lyon. Ils ont besoin d’avoir un rôle dans le monde de demain. » Et certains n’attendent pas demain pour le tenir.
Pour certains, « le paquet de gâteaux emballés dans du carton et du plastique, pas chers et qui se conservent longtemps, est un confort de vie. Y renoncer, ce serait régresser. »
Si le réseau associatif est généralement très dynamique dans le supérieur, dans les écoles d’agro, il prend une couleur particulière. En deuxième année à Agrocampus Ouest, Camille évoque le club de jardinage ou le compost mis en place dans son établissement. A l’Ensaia à Nancy, William profite d’une association pour le maintien d’une agriculture paysanne (AMAP) créée par les étudiants. Tandis qu’à Montpellier SupAgro, les élèves ont adressé une lettre aux candidats à la direction de l’établissement pour réclamer davantage d’actions dans ce domaine. « On parle beaucoup de développement durable et d’économie sociale et solidaire dans nos cours, justifie Charlotte, en dernière année, mais cela ne se retrouvait pas forcément dans le fonctionnement de nos établissements. »
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