27 971 «apprentis sans contrat» devront quitter leur CFA après y avoir passé six mois. Retour vers Pôle emploi ou la Mission locale

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L'instruction DGEFP/MMAQ/DGESCO/DGEr/DGAFP/2021/41 du 12 février 2021 concerne l'avenir des 27 971 «apprentis sans contrat» inscrits dans un CFA. Elle ne comporte pas de guillemets pour ces jeunes qui ne sont pourtant pas des apprentis mais des «personnes en recherche de contrat d'apprentissage»

La cartographie des effectifs établie par le réseau des Carif OREF donne de précieuses informations concernant ces jeunes, qui peuvent être repérés par région, par niveau et par formation

Les plus notables sont que la très grande majorité d'entre eux, 81 %, prépare des formations post bac et que 58 % sont inscrits dans un CFA d'Ile de France.

L'instruction concerne les "jeunes sortant de centre de formation d'apprentissage sans avoir pu conclure un contrat d'apprentissage", formulation qui ferme la porte à la demande formulée par la FNADIR, regroupement de directeurs de CFA et l'ANAF, Association Nationale des Apprentis de France, qui demandaient que ces jeunes puissent terminer leur année scolaire au sein du CFA où ils l'ont commencé : la réaffirmation est sans équivoque, au terme des six mois prévus, ils doivent quitter le CFA (sauf pour ceux qui sont accueillis dans les lycées professionnels où ils seront incités à redevenir élèves, en formation initiale, s'il y a de la place dans un contexte où l'application de protocoles sanitaires renforcés induit souvent la nécessité de dédoublements).

Elle demande, bien tardivement, aux Préfets de région, de mettre en place pour la fin février, une "organisation dédiée à la mise en œuvre des solutions proposées". A cette date, 3 368 jeunes auront déjà été priés de quitter leur CFA !

Quant aux solutions suggérées dans l'instruction, on peut demeurer dubitatif sur leur décalage avec les caractéristiques des jeunes  concernés

Un long paragraphe est consacré avec l'articulation à l'obligation de formation pour les 16 18 ans, alors que ceux-ci ne représentent que 21 % des jeunes sans contrat. Et les orienter vers la «Promo 16 18» comme y incite l'instruction est pour le moins déplacé : ces jeunes ne sont pas pour leur plus grande part en phase de construction d'un projet mais en échec dans la concrétisation de leur projet

Et pour la très grande majorité, il est simplement demandé de tenter de les placer dans des "sessions de formation constituant l'offre régionale" (qui bien sur ont les places immédiatement disponibles permettant d'assurer la continuité de la formation suivie depuis 6 mois) ou, à défaut de les adresser aux acteurs du SPE, charge à ceux-ci de le prendre en charge dans un "parcours d'accompagnement" ou la "redéfinition de son parcours professionnel", autrement dit retour à Pôle emploi ou à la Mission locale, en ayant perdu une année, et accumulé une rancœur certaine vis-à-vis de ceux qui les ont incité à s'engager dans une voie qui s'avère une impasse.

Quant aux 5 599 jeunes préparant un diplôme de niveau supérieur à Bac +3, ils sont pour leur part totalement ignorés. La ministre en charge de l'enseignement supérieur n'est même pas signataire de cette instruction !

Quel décalage entre cette instruction lénifiante et les communiqués triomphants sur la bonne santé de l'apprentissage. Et la confirmation d'une interrogation : puisque le Ministère du travail les appelle Apprentis alors qu'ils ne le sont pas, les compte-t-il comme tels dans les chiffres qu'il annonce ?

AJOUT

"L’allongement à 6 mois, pour permettre aux apprenti·es de rester dans les CFA en attendant d’avoir signé un contrat de travail avec une entreprise, est arrivé à son terme en février 2021. C’est plus de 30000 jeunes qui vont se trouver sans solutions et qui vont devoir se tourner vers pôle emploi", explique la Cgt éducation.

Pour suivre ce dossier brulant, se reporter aux articles précédents

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Commentaire(s)

23 fév 2021
... Cette "instruction ministérielle" met enfin au grand jour le "problème"... A noter, quand vous écrivez: "...Et pour la très grande majorité, il est simplement demandé de tenter de les placer dans des "sessions de formation constituant l'offre régionale"...", que nombre de programmes régionaux de formation professionnelle pour demandeurs d'emploi excluent les jeunes sortis récemment de leur cursus initial (scolaire, étudiant, apprenti). En Normandie, par exemple, impossible d'accéder au programme "Qualif'collectif" si on est sorti de son cursus initial de formation depuis moins de 9 mois...

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Michel Abhervé
Michel Abhervé Michel Abhervé assure dans ce blog une veille attentive sur les questions d'emploi, d'insertion, d'ESS, de réforme territoriale, de formation professionnelle, d'apprentissage ... avec une attention toute particulière aux incohérences des politiques publiques dans une dimension française qu'éclaire une attention à ce qui se passe sur ses sujets au delà de nos frontières Il a été dix ans professeur associé à l'université de Paris Est Marne la Vallée, où il a enseigné l'ESS et les politiques publiques dans une licence professionnelle "Management des organisations de l'économie sociale" pour ... Voir plus