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Pour les jeunes ruraux, la crise décourage encore plus l’envie d’aller « voir ailleurs »

Chez les jeunes qui grandissent hors des villes, partir loin, en particulier pour étudier, est perçu comme un risque aux coûts multiples. Une mécanique que la pandémie de Covid-19 vient renforcer.

Par  (Bas-Rhin, envoyée spéciale)

Publié le 09 mars 2021 à 01h58, modifié le 10 mars 2021 à 12h25

Temps de Lecture 7 min.

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Elle est à portée de vue, au bout du chemin caillouteux qui mène, depuis les champs, au centre-bourg de Stundwiller (Bas-Rhin). Une maison alsacienne typique, aux colombages noirs et aux volets verts, que Franck Eisele indique d’un mouvement de main. « C’est celle de mes grands-parents. Je voudrais m’y installer un jour. » A 17 ans, le garçon, chemise à carreaux et mine réservée, n’imagine son avenir qu’« ici », dans ce village de 450 habitants de l’Alsace rurale, à 60 kilomètres de Strasbourg, où il a grandi. Comme six générations avant lui. Les commerces du bourg ont fermé un à un au fil des ans. « Il ne reste plus qu’un coiffeur, décrit Franck, de son accent alsacien marqué. Mais c’est chez moi, je ne partirais pour rien au monde. Ce sont mes champs, ma nature. »

Il s’y sent une « place », décidé à relancer l’exploitation agricole de ses grands-parents. Depuis ses 14 ans, tous ses salaires d’apprenti mécano passent dans l’achat de bêtes – une trentaine de moutons – et de matériel. Avec son associé, un « ami du coin », ils ont pour ambition de développer une filière de vente locale. En attendant, la mécanique devrait lui assurer un revenu régulier : après un CAP, Franck suit un bac pro et espère être embauché à la fin de son apprentissage dans le garage du village voisin. Beaucoup de ses amis sont « partis à la ville », pour le lycée général. Lui ne l’a pas même envisagé : il avale les kilomètres en voiture les jours où il doit se rendre à son centre de formation, à Haguenau.

Formation restreinte

Partir ou rester ? La question se pose irrémédiablement pour les jeunes ruraux, confrontés à une offre de formation restreinte et à des opportunités professionnelles très limitées sur leur territoire. « Dès l’adolescence, ils se construisent avec l’idée qu’il faudra, un jour, être prêt à bouger, avec une tension très forte vers “la grande ville” », observe Yaëlle Amsellem-Mainguy, sociologue à l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (Injep), qui a enquêté sur les trajectoires des jeunes femmes de milieu rural dans l’ouvrage Les Filles du coin (Sciences Po, 240 p., 23 euros, à paraître le 18 mars).

Mais dans les campagnes, où les catégories populaires sont surreprésentées, les horizons sont souvent contraints par des barrières matérielles, spatiales et symboliques. Des mécanismes que la crise du Covid-19, ses incertitudes et les craintes qu’elle suscite viennent alourdir cette année. « Il y a un cumul des freins pour ces jeunes, indique Yaëlle Amsellem-Mainguy. Ils doivent très vite se plier à un exercice de calcul des coûts de l’orientation : le prix économique du départ, le coût amical, amoureux aussi, ou encore celui de la maîtrise de son territoire pour des jeunes qui souhaitent, majoritairement, revenir s’installer dans leur espace d’origine. »

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