Ils étaient les rares étudiants à avoir signé, dès la rentrée de septembre 2020, pour une année d’enseignement supérieur à distance. Ils sont désormais les rares chanceux à pouvoir se retrouver chaque jour, en chair et en os, afin de suivre leurs études et se serrer les coudes. Tel est le principe des campus connectés : depuis 2019, une trentaine de lieux labellisés par le ministère de l’enseignement supérieur accueillent des petits groupes d’étudiants dans des territoires isolés – l’objectif étant d’en compter 100 à la rentrée 2022.
Cette année, huit jeunes Ardéchois sont inscrits au campus connecté de Privas – capitale de l’Ardèche ; capitale, aussi, des marrons glacés. Ni isolés ni écœurés par un trop plein de « visios », ceux-là gardent le sourire sous le masque, et même l’envie féroce de réussir. Ovnis parmi les étudiants en temps de crise. Pourtant, depuis leur campagne, ces jeunes ont dû franchir une ribambelle de barrières avant d’accéder au vaste monde des études supérieures. Préfecture la moins peuplée de France avec ses 8 000 habitants, Privas affichait 20 % de pauvreté en 2018, selon l’Insee. Une précarité d’autant plus forte chez les moins de 30 ans et dans les territoires les plus éloignés des offres de formation. En Ardèche, il n’y a pas de train, pas d’autoroute, peu de transports en commun. Il n’existe pas non plus d’université à l’échelle de ce département vieillissant : la plus proche se trouve dans la Drôme, à Valence, antenne délocalisée de l’université Grenoble-Alpes (UGA).
Enseignement à distance
Dans ces conditions, à peine plus de 50 % des lycéens ardéchois s’orientent vers des formations universitaires après le bac, alors que leur taux de réussite est souvent supérieur à la moyenne académique ou nationale. A titre de comparaison, en 2017, selon l’Insee, 5,6 % de la population en Ardèche était titulaire d’un diplôme de niveau bac + 5, contre 38,2 % dans le département de Paris.
Qu’ils soient géographiques, financiers, sociaux, culturels ou psychologiques, les freins à la poursuite d’études restent monumentaux pour ces jeunes ruraux. D’où l’idée de faire venir l’université jusqu’à eux. Le campus connecté permet ainsi de suivre une formation à distance (une licence, un diplôme universitaire de technologie…), mais dans un lieu physique, avec l’encadrement d’un tuteur au quotidien.
Financé par l’Etat et le département, en partenariat avec l’UGA, un réseau de trois campus connectés se lance progressivement en Ardèche : le premier à Privas, depuis la rentrée 2019 ; le second à Aubenas, créé cette année ; le troisième, à Annonay, prévu en septembre. Le tout pour un budget global d’1,7 million d’euros étalé sur cinq ans. « Il s’agit d’un dispositif de niche, admet Laurent Ughetto, président du département. Mais on est dans une lame de fond : l’enseignement à distance devrait s’accélérer et répondre à cette vie en ruralité. »
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