Muriel Biot n’a jamais été très scolaire. La jeune femme, qui a grandi entre Abidjan en Côte d’Ivoire, Garges-lès-Gonesse et Yerres, en région parisienne, a arrêté ses études en classe de première. Elle a ensuite fait une école de théâtre et débuté une carrière de comédienne. Avec sa couleur de peau, on lui propose « toujours les mêmes rôles, très clichés » : la prostituée, la réfugiée, la bonne amie avec un accent, la fille de banlieue… Lasse, elle s’inscrit, à 30 ans, dans une école de cinéma, afin de devenir réalisatrice : « Je veux inventer des personnages qui ne me figent pas dans une case », explique cette fille d’une fleuriste.
En 2018, elle fait partie de la première promotion de Kourtrajmé, une formation créée par le réalisateur Ladj Ly, gratuite et accessible sans condition de diplôme. Elle complète aujourd’hui son parcours avec « La Résidence » de La Fémis. Lancé par cette grande école parisienne à la réputation élitiste, ce programme s’adresse aux jeunes autodidactes issus de milieux modestes, afin de former des réalisateurs avec des profils différents de ceux admis par le très sélectif concours d’entrée. « Les lignes bougent enfin. J’ai même été invitée à l’université d’Assas pour parler des représentations des minorités ethnoraciales dans l’audiovisuel français », poursuit Muriel Biot.
Nouveaux programmes, nouvelles attentes du public, nouvelles sources de financement… Les écoles de cinéma françaises sont en plein renouveau pour accueillir des profils différents, moins homogènes, capables de diversifier les écritures cinématographiques.
« Le paysage audiovisuel exprime un appétit pour d’autres formes d’expression. Les plates-formes notamment sont à l’affût d’histoires et de parcours différents », assure Nathalie Coste-Cerdan, directrice générale de la Fémis. D’après les derniers résultats du baromètre de la diversité de la société française établi par le CSA, la part des personnes à l’antenne perçues comme non-blanches se situe à 15 %, les personnes handicapées sont quasi absentes, et la représentation des territoires est peu conforme à la réalité.
Formation ouverte et gratuite
« Lorsque j’intervenais à La Fémis, en section réalisation, on n’avait quasiment que des profils bac + 5 issus de Sciences Po. Il fallait vraiment que les choses évoluent », affirme le cinéaste Claude Mouriéras. En 2015, il fonde la CinéFabrique, une école publique implantée à Lyon, qui sélectionne de façon ouverte : aucun diplôme n’est exigé à l’entrée. Les candidats doivent soumettre leur CV, une lettre de motivation, un portfolio, et passer une série d’épreuves : un questionnaire, un exercice audiovisuel, un mini-tournage en équipe et enfin un entretien devant un jury.
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