Vivendi, le groupe de Vincent Bolloré, premier actionnaire de Lagardère, convoite Hachette Livre. Habituellement discret, Arnaud Nourry, le patron du premier éditeur français, se lance dans une campagne médiatique, ayant fait appel pour cela à un cabinet de gestion de crise. Il explique à quel point il est important de conserver l’intégrité du groupe. Pas question de laisser le joyau de Lagardère être un jour vendu par appartement. Il martèle qu’un rapprochement avec Editis, premier concurrent et propriété de Vivendi, n’a aucun sens.
Que répondez-vous aux salariés, inquiets quant à la bataille capitalistique qui se joue au-dessus de leurs têtes, entre Vivendi, LVMH et Lagardère ?
Arnaud Nourry : Je ne nie pas qu’il y a eu des moments d’inquiétude, ici ou là, mais, pour les équipes, ce qui compte, ce sont résultats formidables en 2020 [un chiffre d’affaires de 2,4 milliards d’euros, et un résultat opérationnel de 246 millions, en hausse de 11,4 %]. Mon travail, c’est de faire en sorte que la sérénité demeure parmi les équipes, et c’est le cas. Il y a une vraie fierté à faire partie d’Hachette Livre. Depuis 2003, j’ai fait le pari de le transformer en un groupe international, qui réalise aujourd’hui 70 % de son chiffre d’affaires à l’étranger, pour lui donner de la stabilité. Cela a payé magnifiquement en 2020, grâce à la très forte résilience des pays anglo-saxons, où les formats numériques sont très développés. The Witcher [d’Andrzej Sapkowski] s’est vendu à 4,5 millions d’exemplaires et Midnight Sun [de Stephenie Meyer], le dernier tome des Twilight, à 3,5 millions.
Le deuxième facteur de résistance, c’est la diversification. Plus de 25 % de notre activité provient du livre audio et numérique, des fascicules, des coffrets, des jeux de société ou des jeux de téléphonie mobile. Enfin, les talents, la relation entre les éditeurs et les auteurs, c’est la clé de tout. Cette relation doit se développer dans l’autonomie et la responsabilité.
Comment voyez-vous l’appétit de Vivendi pour votre groupe ?
Le projet, c’est de rester dans le groupe Lagardère. Si cela ne devait pas être le cas – ce n’est pas ce que je souhaite –, je serai très attentif à ce que la culture et l’intégrité du groupe soient respectées. Un rapprochement avec Editis n’a aucun sens stratégique. La question a déjà été traitée par la Commission européenne en 2003, lors du rapprochement entre Vivendi Universal Publishing [VUP] et Hachette Livre. Elle a expliqué que Lagardère ne pouvait quasiment rien garder de VUP.
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