Le MBA n’est plus un accélérateur miracle de carrière, comme il a pu l’être à une époque. « Il ne faut pas croire que toutes les portes vont s’ouvrir », prévient Guillaume Pican, directeur de la relation clients chez PageGroup, un cabinet de recrutement international, lui-même diplômé de l’EMBA (Executive MBA) de l’Essec. Ce diplôme réservé aux jeunes cadres avec quelques années d’expérience permet toutefois de se positionner différemment sur le marché de l’emploi, et d’acquérir des compétences très appréciées.
Est-ce qu’être diplômé d’un MBA est encore un sésame aujourd’hui ?
Quand ces diplômes sont arrivés sur les marchés européens dans les années 1980-1990, ils étaient de vrais accélérateurs de carrière pour les cadres. Ils vous positionnaient tout de suite sur des fonctions à très forte valeur ajoutée. Aujourd’hui, le MBA est toujours un accélérateur intellectuel, d’expériences, de vie en communauté, de dimension internationale. L’objectif est toujours de développer votre capacité à comprendre une organisation dans toutes ses composantes pour prendre ensuite des décisions plus rapides, en tant que potentiel dirigeant.
L’enjeu n’a pas changé. La seule différence, c’est que le MBA s’est popularisé. Il y a davantage de diplômés de ces formations sur le marché. Par conséquent, ce n’est plus le fait d’avoir un MBA sur votre CV qui va faire qu’un recruteur va vous repérer dans la masse. Mais dans votre comportement, dans les questions que vous allez vous poser, dans l’analyse que vous allez faire d’un entretien ou d’une opportunité, vous allez probablement penser différemment votre positionnement vis-à-vis de l’entreprise, d’un poste et de ses enjeux. Et c’est là que vous allez faire la différence.
Quelles sont les compétences associées au MBA ?
Pour un recruteur, cela veut dire que la personne a de l’ambition. Qu’elle est en mesure de faire des choix, d’aller plus loin, de prendre des risques. Ce sont des ressources et des indicateurs qui sont importants pour une entreprise. Un recruteur sait qu’un MBA est un investissement personnel majeur.
La formation coûte beaucoup d’argent et demande du temps, d’autant plus quand vous êtes sur une formule « Executive » à temps partiel, en parallèle de votre carrière.. Faire un MBA, c’est se mettre dans une position où l’on se challenge très fortement pendant dix-huit mois. Et où l’on va valider une capacité de travail et d’organisation.
Est-ce un passage obligé pour des postes de direction générale ?
Non. Une très bonne école d’ingénieurs ou de management permet d’accéder à ce type de responsabilités. Un MBA donne surtout une boîte à outils pour trouver des solutions à des problèmes. En revanche, il faut bien le choisir en fonction de ses aspirations et de son projet. Si la personne veut travailler aux Etats-Unis et avoir une carrière internationale, elle ne visera pas le même MBA que si elle souhaite rester en France. Opter pour un programme dans le pays où l’on veut s’expatrier s’avère une bonne porte d’entrée pour se constituer une expérience et un réseau.
Un temps de crise comme celui que nous vivons est-il un bon moment pour se lancer dans un MBA ?
C’est un bon moment pour se remettre en cause et se challenger. La pandémie que nous traversons montre que nos certitudes peuvent être radicalement remises en question.
« Une entreprise n’attend pas quelqu’un qui a un MBA, mais quelqu’un qui a quelque chose à raconter, un projet »
Dans nos économies où tout bouge plus vite, où de grosses transformations structurelles d’entreprises ont lieu, il faut beaucoup d’agilité intellectuelle. Plus vous êtes armé, mieux c’est. Mais il faut garder beaucoup d’humilité. Faire un MBA est une valeur ajoutée. Mais il ne faut pas croire que toutes les portes vont s’ouvrir ou que l’on n’attendait que vous. On n’attend pas quelqu’un parce qu’il a fait telle ou telle formation. Une entreprise attend quelqu’un qui a quelque chose à raconter, un projet. Le projet est fondamental.
La crise change-t-elle le rôle des manageurs et comment les MBA peuvent-ils les aider à évoluer ?
Cette pandémie nous a appris que tout pouvait bouger d’un instant à un autre de manière extrêmement radicale. Il faut être capable de s’adapter en tant que manageur, en tant qu’équipe, en tant qu’organisation. Le management à distance avec le développement du télétravail en est un bon exemple.
Il faut être capable d’inclure les salariés, de créer de l’engagement dans un environnement où vous n’avez plus forcément un contact direct et permanent avec eux, où tout est volatil. Faire des formations qui vous apprennent à passer d’un sujet A à un sujet B rapidement et en profondeur peut être utile. C’est le cas en MBA, où vous avez des cours différents tout le temps, dans des environnements culturels multiples.
Le bond en matière de salaire et de carrière après ce type de programme est-il toujours aussi important ?
Les gens qui font ce type de formation travaillent énormément sur eux pour avoir un retour sur investissement. Statistiquement, on constate une véritable progression. Mais, du côté des entreprises, à compétences égales, paie-t-on plus cher quelqu’un qui possède un MBA que quelqu’un qui n’en a pas ? La réponse est non. Il ne faut pas croire qu’un MBA vous donne automatiquement + 20 % sur votre salaire. Mais l’évolution de votre comportement va vous faire progresser. Le MBA, c’est un voyage personnel. Vous n’achetez pas un diplôme : vous entreprenez une expérience de vie individuelle et collective.
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