Ici, on cloue, on coupe, on ajuste, on coud… Le vaste open space du centre de formation d’apprentis des Compagnons du devoir de Pantin (Seine-Saint-Denis) abrite les ateliers de maroquinerie, botterie-cordonnerie, sellerie-garnissage et tapisserie. C’est là que s’exerce Chloé, 21 ans. Elle arrive tout juste de Metz, en Moselle, où l’entreprise qui l’accueille en alternance est implantée, afin de suivre sa formation bimestrielle. Ex-étudiante en licence de lettres modernes, elle a pris un tournant à 180 degrés l’an dernier pour devenir tapissière. Un virage accéléré par la crise sanitaire en cours.
« J’aime la littérature et je n’abandonne pas l’idée d’enseigner un jour. Mais dans l’immédiat, j’ai besoin de faire quelque chose de concret », explique l’apprentie tapissière, fille d’une comptable et d’un carrossier. Chloé a découvert cette formation sur le site de l’Association ouvrière des Compagnons du devoir et du tour de France, peu avant le premier confinement du printemps 2020. Et après un mini-stage de découverte chez un artisan, elle s’est lancée.
La crise sanitaire qui dure, imposant les cours à distance à ses ex-condisciples étudiants esseulés et privés de jobs, lui « donne raison », estime-t-elle. « Je n’aurais pas pu continuer longtemps mes études sans ressources. Là, je suis rémunérée et logée à moindres frais dans une campagne [le nom des foyers de jeunes compagnons] conviviale. » A Pantin, elle côtoie d’autres apprentis qui ont aussi quitté l’université, issus de licence en arts appliqués, de licences de sciences humaines, d’IUT… « La formation me convient, même si nous ne sommes que deux filles sur vingt… », poursuit-elle. Les traditions, avec rituels et tenue correcte exigée à table, l’ont un peu décontenancée, mais elle s’y fait.
Supplément d’âme
« Si la plupart des jeunes intègrent le compagnonnage après le collège, et débutent leur tour de France vers 17 ans en moyenne, nous accueillons de plus en plus de nouveaux profils : des jeunes bacheliers et des étudiants en réorientation. A la rentrée 2020, ces derniers étaient 25 % de plus qu’en 2019 », explique Bruno Thys-Helbert, directeur accueil et accompagnement de l’Association des Compagnons du devoir, qui compte, parmi ses 9 300 apprentis, 1 500 jeunes avec un profil postbac.
Un choix qui a permis cette année à ces jeunes de suivre une formation en présentiel. « Les activités en atelier ont été maintenues, de même que la vie en entreprise. Nos structures d’hébergement fonctionnent. Ces jeunes n’ont pas souffert d’isolement », se réjouit-il. Et le taux d’insertion professionnelle de 90 % à la sortie du tour de France a de quoi séduire également.
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