Quand Emile Boutmy crée l’Ecole libre des sciences politiques en 1872 – qui deviendra I’Institut d’études politiques (IEP) de Paris en 1945 –, le projet est élitiste. « L’homme était à la fois conservateur et libéral, soucieux de remplacer les privilèges de la naissance par les capacités et le savoir pour asseoir la légitimité des élites, relate Marie Scot, chercheuse au centre d’histoire de Sciences Po Paris. Il fallait “refaire une tête de peuple”, disait-il. »
Dès les années 1930, l’école essuie les critiques de la gauche et du Front populaire qui pointent la composition sociale du corps étudiant et le quasi-monopole que détient cette école privée pour former les hauts fonctionnaires. Cette critique aboutira à la création de l’Ecole nationale d’administration (ENA) à la Libération.
En dépit des réformes menées dans les années 1980 par le directeur Michel Gentot, la fermeture sociale de l’établissement s’est longtemps accentuée. Les « conventions ZEP » lancées en 2001 par Richard Descoings et les modifications successives du concours d’entrée – de la suppression de l’épreuve de culture générale en 2012 jusqu’au renoncement actuel et quasi unanime des IEP à toute épreuve écrite de recrutement – ont finalement inversé la tendance, le taux de boursiers atteignant 28 % à Paris et jusqu’à 30 % à l’IEP de Lille.
Issu d’un lycée de l’éducation prioritaire à Châtellerault (Vienne), Anthonin Minier fait partie des recrues « ZEP » de sa promo à Sciences Po Paris. « Je perçois des écarts entre moi et les étudiants premiers de cordée qui viennent de Louis-le-Grand, Henri-IV ou Stanislas, confie-t-il. J’avais fait trois dissertations dans ma vie quand eux en faisaient tous les week-ends. J’avais lu 30 livres au lycée et eux, 400. »
Assurer l’excellence académique
Alors que Sciences Po fait aujourd’hui le choix de supprimer son concours – la sélection sur Parcoursup se basant essentiellement sur les résultats au lycée et une épreuve orale d’admission –, comment continuer de s’assurer de l’excellence académique des étudiants tout au long de la scolarité ? L’interrogation traverse les rangs enseignants.
« Le revers de la médaille, c’est la baisse un peu générale du niveau. Est-elle due aux conventions d’éducation prioritaire ? Je ne suis pas sûr, expose Nicolas Metzger, enseignant et ancien directeur du conseil de l’institut parisien. La massification de l’enseignement supérieur oriente mécaniquement une tendance à la baisse mais aussi le fait d’attirer des étudiants étrangers, qu’on peut difficilement saquer lorsque les cours sont majoritairement dispensés en français. » L’enseignant ajoute que les notes des étudiants sont « gaussiannisées », c’est-à-dire harmonisées afin d’obtenir une moyenne de 12/20 dans chaque groupe appelé « conférence de méthode ».
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