Le grade de licence, une reconnaissance qui clarifie l'offre de bachelor

Clément Rocher, Agnès Millet Publié le
Le grade de licence, une reconnaissance qui clarifie l'offre de bachelor
Depuis janvier 2021, 15 bachelors en management et 17 en sciences et en ingénierie ont le "grade de licence". // ©  DEEPOL by plainpicture
En janvier 2021, 15 bachelors en management et 17 en sciences et en ingénierie obtiennent le "grade de licence" pour la première fois. Évalués respectivement par la Commission d'évaluation des formations et diplômes de gestion (CEFDG) et la Commission des titres d’ingénieur (CTI), ces lauréats ont rempli les exigences, alors que d’autres propositions ont été retoquées. Comment s’est organisée cette première campagne d'accréditations ? Que change le grade ? Décryptage.

Depuis plusieurs années, la Conférence des grandes écoles (CGE) réclamait la possibilité de donner le grade de licence aux bachelors. Objectif : mettre de l’ordre dans un paysage foisonnant, où les meilleurs cursus côtoyaient des formations moins sérieuses.

La quête du "saint" grade

Un arrêté paru en janvier 2020 précise le cadre des exigences : adossement à la recherche, professionnalisation, ouverture sociale et implication dans la politique de site. CTI et CEFDG sont chargées d’élaborer séparément un référentiel, au printemps 2020.

Les premiers grades doivent être délivrés dans le cadre de Parcoursup 2021. Élisabeth Crépon, présidente de la CTI, évoque effectivement un "calendrier assez serré, assez ambitieux, pour arriver à cet objectif : faire en sorte que les établissements puissent se saisir le plus rapidement possible des opportunités ouvertes par cet arrêté."

Une volonté de diversifier et clarifier

Pour Mathilde Gollety, présidente de la CEFDG depuis janvier 2021, "le but de l’arrêté est de différencier l’offre de formations proposée aux étudiants, mais aussi de leur apporter une visibilité dans le foisonnement de ces premiers cycles, en garantissant une qualité académique."

Lancé au début de l’été 2020, l’appel à candidatures a permis de recevoir 35 dossiers d’écoles de management et 36 demandes côté ingénieurs. Les évaluations de dossiers et les audits s’organisent alors en pleine crise sanitaire.

"Nous avons réussi à tenir ce délai contraint, en fournissant un travail de qualité. Il s’agissait d’un dispositif transitoire d’évaluation. La CEFDG et la CTI vont probablement se coordonner à l’avenir avec le Hcéres (Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur)", précise Mathilde Gollety.

Une évaluation basée sur des critères précis

La Commission des titres d'ingénieurs a focalisé son attention sur une série de critères majeurs lors de l'évaluation. "Nous avons mis une focale plus importante sur plusieurs éléments dont l'insertion de la formation dans l'environnement de l'établissement", rappelle Elisabeth Crépon.

La CTI s'est également montrée vigilante à la présence d'activités pédagogiques d'initiation à la recherche portées par des enseignants-chercheurs permanents de l'établissement et, dans une autre mesure, aux mécanismes mis en place pour accompagner la diversité sociale, comme des dispositifs d'exemption totale ou partielle de frais de scolarité.

Côté management aussi, "le plus souvent, les recommandations portaient sur l’initiation à la recherche et la politique de site. Ce dernier sujet est délicat et complexe pour ces écoles, particulièrement dans les territoires où les partenariats sont déjà bien engagés". Une dizaine d’écoles ont procédé à des ajustements dans ces domaines.

Une exigence de qualité

"La CEFDG a conscience qu’elle demande beaucoup aux écoles. Mais elle le fait dans un souci d’équité entre les établissements publics et ces écoles privées, et dans un souci de politique d’amélioration continue. Je veux insister sur le fait que nous sommes là pour accompagner et soutenir les écoles", précise Mathilde Gollety.

La CTI se défend d'avoir fait preuve de sévérité lors de l'évaluation. "L'exigence c'est celle de la qualité et pas celle de la CTI. C'est le jeu de l'évaluation et d'une démarche d'accréditation basée sur un référentiel", déclare Élisabeth Crépon.

En janvier 2021, les dossiers ayant reçu un avis favorable des commissions sont ensuite présentés au Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (Cneser), qui vote contre. Le Snesup évoque une "autoévaluation en système clos". Selon le syndicat, "sous couvert d’une politique sociale pour permettre l’accès de tous à la formation, et surtout des boursiers d’État, le Mesri organise une concurrence déloyale entre les écoles privées et l’université."

Un nouveau repère d'orientation

Aujourd’hui, 15 bachelors et BBA en management et 17 bachelors en sciences et ingénierie peuvent afficher sur la plateforme Parcoursup qu’elles délivrent le grade de licence, à compter de la rentrée 2021.

Pour la Conférence des directeurs d’écoles d’ingénieurs (Cdéfi), le grade licence "est une avancée majeure" pour les écoles. "Au-delà de l’employabilité sur le marché national, cette reconnaissance offre une meilleure attractivité à l’international."

Pour Montpellier Business School, lauréate du grade, cette reconnaissance supplémentaire de la qualité de la formation est, en effet, "un nouveau repère pour les lycéens et bacheliers."

D’autres vagues à venir

Côté CEFDG, les 35 dossiers pour la rentrée 2021 ont été traités et finalisés : le dernier lauréat en date est l’IBBA en 4 ans, de Kedge. Parmi les refusées, certaines écoles qui n’ont pas obtenu le grade étaient "proches" de l’avoir.

"Le grade est très exigeant. Les écoles l’ont compris et elles se sont engagées dans un processus qui va dans le bon sens. Elles doivent montrer qu’elles mettent en œuvre ce qu’il leur manquait dans la maquette pédagogique", explique la présidente de la CEFDG. La commission accompagnera celles qui sont loin des critères.

La présidente de la CTI estime que "les formations qui n'ont pas été recommandées au ministère pour le grade de licence ne correspondaient pas au référentiel, avec des degrés divers. Il appartient aux écoles de corriger ces points et de soumettre à nouveau un dossier."

En effet, la commission lancera prochainement sa nouvelle campagne de lettre d'intention auprès des établissements. "Il est possible que nous ayons reçu l'essentiel des projets. Nous verrons si les écoles ont décidé de s'investir dans ce créneau de formation", poursuit Élisabeth Crépon.


Un référentiel pour les bachelors hybrides à stabiliser
La CTI et la CEFDG ont travaillé ensemble pour attribuer le grade de licence au bachelor ingénieur/manager de Centrale Nantes et Audencia (quand deux autres formations hybrides n’ont pas eu le sésame).
"Nous avons créé des équipes d'audit communes et nous avons défini une procédure qui combine celles de la CEFDG et de la CTI.
Cela nous a conduits à une journée d’évaluation spécifique", précise Elisabeth Crépon. Pour Christophe Germain, directeur général d’Audencia, les échanges entre les écoles et les commissions "ont fait avancer l’écriture d’un référentiel hybride." Un groupe de travail CEFDG/CTI vient d’être monté sur ce sujet.

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