Deux ans déjà se sont écoulés depuis le terrible incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Architectes, conservateurs, compagnons et artisans sont à pied-d'œuvre pour redonner sa splendeur au monument. Parmi eux, les équipes de la DRAC ont en charge la restauration des objets mobiliers et du Trésor de Notre-Dame, tandis que les archéologues viennent de terminer le déblaiement et le tri des matériaux effondrés devenus vestiges archéologiques.

 

La DRAC Île-de-France exerce trois missions à Notre-Dame : garantir le contrôle scientifique et technique des projets et travaux concernant la restauration de la cathédrale, assurer la maîtrise d’ouvrage relative à la poursuite du chantier de restauration des statues de la flèche (commencée avant l’incendie) et mettre en œuvre le chantier de restauration des objets mobiliers, et enfin mener les opérations archéologiques sur les vestiges.

La restauration des statues : un travail minutieux et des techniques très spécifiques

Les seize statues de la flèche qui représentent les douze apôtres et les quatre symboles des évangélistes dessinées par Eugène Viollet-le-Duc et modelées par Adolphe Victor Geoffroy-Dechaume, posées sur la flèche de Notre-Dame en 1861, ont échappé de peu à l'incendie. Déposées le 11 avril 2019, soit quatre jours avant le sinistre, elles ont été acheminées dans l’atelier de l’entreprise SOCRA, chargée de leur restauration.

Restauration des statues de la flèche

Restauration dans l’atelier de l’entreprise Socra

Leur enveloppe composée de feuilles de cuivre était ouverte par endroits et avait laissé pénétrer l’eau altérant parfois de manière importante la structure interne en fer. "L’armature est extraite après désassemblage des feuilles de cuivre, traitées et complétées à l’identique pour les parties rongées en totalité par l’oxydation. Elle est métallisée et peinte pour assurer une plus grande pérennité, puis isolée par du téflon, supprimant ainsi tout risque d’électrolyse entre le cuivre et le fer. Des petites pattes la fixent à l’intérieur de la statue comme à l’origine" témoigne Marie-Hélène Didier, conservatrice des monuments historiques à la DRAC Île-de-France.

La teinte vert-de-gris apparue au bout d’une quarantaine d’années environ, comme le montrent parfaitement les photographies, est ôtée par micro-gommage à la poudre de noyau d’abricot. "Le souhait était de retrouver le ton brun d’origine des statues au moment de leur pose. Le projet de reconstruction de la flèche d’Eugène Viollet-le-Duc et les photographies prises peu de temps après par Mieusement ou Marville montrent parfaitement cette couleur, des sculptures plus sombres que la toiture et non des statues claires devant une toiture foncée."

Juillet 2019, intérieur de statue de la flèche

Une nouvelle patine couleur bronze

Lors de la restauration des années 1935-1937, seul moment où les statues peuvent être atteintes, des rustines sont installées par endroits et une sorte de patine, découverte sur l’échafaudage, appliquée pour uniformiser l’état de surface. La nouvelle patine couleur bronze fait alors l’objet de plusieurs essais à froid ou à chaud. La technique choisie est celle de l’application de barège, un produit soufré, au pinceau et chauffé au chalumeau. Les soudures s’effacent alors. Une cire protectrice est appliquée sur toute la surface. Cette patine vibrante préserve les reflets sous-jacents.

Les seize statues restaurées présentées en totalité d'ici l'été

Présentation des statues à la Cité de l'architecture et du patrimoine (CAPA)

Dans l'attente de leur repose, les sculptures devaient être présentées, au fur et à mesure de leur restauration, dans le déambulatoire de la cathédrale afin de les admirer de près en attendant leur repose. Mais ce dessein n'a malheureusement pas pu se réaliser. Le projet a été remplacé par une exposition à la Cité de l’architecture et du patrimoine (CAPA) à Paris, qui a accueilli cette proposition avec un très grand enthousiasme. "Nous y avions installé, dès septembre 2019, deux statues de symbole des évangélistes et la tête de Viollet-le-Duc, non restaurées ainsi que le coq de la flèche retrouvé le lendemain de l'incendie dans les décombres de la cathédrale" indique Marie-Hélène Didier.

Le coq de la flèche

Les sculptures prennent tout leur sens dans la galerie des moulages. Leur confrontation avec les moulages présentés permet de comprendre encore mieux les différentes inspirations médiévales du sculpteur. Les sculptures demeureront en ce lieu jusqu’à leur repose sur la cathédrale. Aujourd'hui, neuf statues sont présentées. Elles seront toutes réunies d'ici l’été 2021. Le coq ne sera pas restauré.

Les objets mobiliers épargnés par le sinistre

Les objets mobiliers conservés dans la cathédrale Notre-Dame de Paris n’ont, par chance, pas souffert du sinistre. Heureuse constatation observée dès le 16 avril 2019 au matin. Dans la nuit du 15 avril, les reliques de la passion : la couronne d’épine, un morceau du bois de la croix et un clou - qui auraient servi à la crucifixion - ainsi que d’autres objets conservés dans la cathédrale avant que l'édifice ne soit plus accessible, ont pu être sortis. Il en est de même pour les tableaux de Le Nain représentant La Nativité de la Vierge et la Pieta de Lubin Baugin ainsi que la garniture du sacre de Napoléon.

Objets du trésor au Louvre  et la tunique de saint Louis

Des objets du trésor qui bénéficient d’un plan de sauvegarde prédéterminant les plus insignes à préserver ont été extraits de leur vitrine : la tunique de saint Louis et sa discipline, le reliquaire de la couronne d’épines de Viollet-le-Duc, le reliquaire de la couronne d’épines de Cahier, la Vierge à l’enfant d’Odiot, la couronne de Boucheron, le reliquaire du clou et de la croix, le reliquaire de la croix palatine.

La Vierge à l'enfant du XIVe siècle : l'évacuation la plus spectaculaire

Dès le lendemain de l’incendie, la nécessité d’évacuer le reste des objets s'impose. Des institutions partenaires se proposent alors pour les accueillir. Les objets du trésor sont mis en sureté au musée du Louvre tandis que les tapis trouvent naturellement leur place au Mobilier national. Durant les deux semaines qui suivent le sinistre, environ mille trois cents objets sont sortis de la cathédrale. Ceux qui proviennent évidemment du trésor, mais également vingt tableaux exceptionnels (aux dimensions considérables (3mx4m)) dont les célèbres Mays, trois tapis dont celui de Charles X qui a été présenté pour la dernière fois dans l'édifice en 2017 et dont le poids excède la tonne.

Le transport de la sculpture de la Vierge à l’enfant du XIVe siècle est impératif. "L'œuvre est placée à la croisée du transept et environnée des éléments effondrés, sous des poutres carbonisées. L'endroit est devenu désormais à la fois trop inaccessible et dangereux. Son évacuation fut la plus spectaculaire" admet Marie-Hélène Didier.

Que sont devenus tous ces objets, deux ans après ?

Les objets du trésor sont soigneusement conservés dans les réserves du Louvre. L'établissement a mis à la disposition de la DRAC des armoires et toute sa logistique. Ils feront l’objet d’un nettoyage avant leur retour. La tunique de saint Louis a été minutieusement reconditionnée. Le grand tapis de Charles X, protégé par un coffre en bois et posé sur un chariot à roulettes, n’a pas souffert de l’humidité lors de l’arrosage par les pompiers. Transporté au Mobilier national, où il est examiné, il y sera restauré dans leur atelier. Avec l’aide du Laboratoire de recherche des monuments historiques, la tenue des couleurs est à l’étude pour éviter tout dégorgement lors du nettoyage de certaines taches.

Sortie du tapis transporté au Mobilier national

Vierge à l’enfant en l’église Saint-Germain l’Auxerrois et en 2019 et le tapis au Mobilier national

Les tableaux ont été déposés en un temps record, en à peine une journée. Ils sont entreposés dans des nouveaux locaux spécialement aménagés pour leur conservation. Des ateliers installés à cet effet permettent ainsi leur restauration dans des conditions optimales de climat et d’espaces. La sculpture de la Vierge à l’enfant a été transportée en l’église Saint-Germain l’Auxerrois de Paris, devenue église de substitution, afin de rappeler que le cœur de la cathédrale continue de battre.

La DRAC, responsable du contrôle scientifique et technique de la restauration de Notre-Dame

Le contrôle scientifique et technique de l’État est régi par le Code du patrimoine et est exercé par la DRAC qui le coordonne. La première action est d’analyser les différents projets rendus par la maîtrise d’œuvre, commandés par l’établissement public chargé de la restauration de Notre-Dame de Paris, maître d’ouvrage. Le premier dossier remis a été l’étude d’évaluation présentée en commission nationale du patrimoine et de l’architecture qui a acté le 9 juillet 2020 la restauration à l’identique de la flèche de Viollet-le-Duc et de sa toiture en plomb ainsi que l’utilisation du bois pour la charpente. Le diagnostic concernant cette dernière a été présenté le 25 mars 2021 et a voté une restitution raisonnée de la charpente prenant son essence dans la charpente médiévale, expurgée de toutes les scories ajoutées par les siècles et ne conservant que les ajouts nécessaires à sa pérennité. La restauration du grand orgue a aussi été présentée en Commission nationale le 4 février 2021. Chacun de ces projets a été analysé par la DRAC et présenté devant le comité du contrôle scientifique et technique.

Restauration de deux chapelles test

Il a été souhaité par la maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d’œuvre de réaliser grandeur nature deux chantiers de restauration de deux chapelles et de leur travée attenante : la chapelle Notre-Dame-de-la-Guadalupe, située côté nord de la nef, chapelle sans décor peint, et la chapelle Saint-Ferdinand au décor peint, ouverte sur le déambulatoire. Le but était d’établir un protocole de restauration et d’évaluer le temps de sa mise en œuvre afin de préciser le diagnostic de la maîtrise d’œuvre. La DRAC a participé activement à ces restaurations.

Chapelle Notre-Dame-de-la-Guadalupe

Le Laboratoire de Recherches des Monuments Historiques (LRMH) a été également fortement impliqué dans le projet. La chapelle Saint-Germain restaurée en 2018 sous la maîtrise d’ouvrage de la DRAC a servi de base de réflexion. Le chantier commencé en septembre 2020 est quasiment terminé. Les peintures murales de la chapelle Saint-Ferdinand, dessinées par Eugène Viollet-le-Duc, ont retrouvé tout leur éclat d’origine. Marie-Hélène Didier explique : "Elles étaient en bon état sous la crasse accumulée au fil des ans hormis les parties altérées par des fuites d’eau anciennes. Le nettoyage des chapiteaux des colonnes du déambulatoire a mis au jour des vestiges de peintures murales rouges et verts d’époque médiévale dans le creux des feuilles. La travée du bas-côté de la nef attenante à la chapelle Notre-Dame-de-la-Guadalupe a révélé sur sa clef de voûte des vestiges de fleurs de lys dorées sur un fond bleu, encore à l’étude pour leur datation. Les fleurs des grilles ont révélé l’éclat de leur dorure."

Ces deux chantiers ont montré que la cathédrale recèle encore de nombreux éléments inconnus qui feront l’objet d’un relevé précis et accroitront la connaissance technique et historique de l’édifice.

Restauration de la Chapelle Saint-Ferdinand, décors peints de l'époque de Viollet-le-Duc

La DRAC Île-de-France est très attentive à ces recherches. Il en est de même de la sculpture des chapiteaux qui réapparaît dans toute sa qualité. Le vitrail de la chapelle Saint-Ferdinand, de l’époque de la restauration de Viollet-le-Duc, a été aussi entièrement restauré en atelier.

Restauration de la Chapelle Saint-Ferdinand

Son nettoyage a remis en valeur la qualité de création et picturale de ces vitraux indissociables du projet global de restauration de la cathédrale réalisé par Viollet-le-Duc, chaque vitrail de chaque chapelle étant différent. Le nettoyage de la pierre a fait également l’objet de protocoles comparatifs de différents produits existant sur le marché ainsi que dans l’utilisation du laser.

Vestiges archéologiques : l’opération de tri des matériaux effondrés au sol et sur les voûtes est achevée

Après presque deux ans de travail sur le site de la cathédrale, la DRAC, en étroite collaboration avec le LRMH et le C2RMF, a achevé l’opération de tri des matériaux effondrés au sol et sur les voûtes - première étape d’une chaîne opératoire continue, allant du prélèvement des vestiges jusqu’à leur conservation.

Les équipes en cours de tri © C2RMF Alexis Komenda

A ce jour, outre les 180 palettes d’éléments lapidaires significatifs sélectionnés pour la maîtrise d’œuvre (blocs susceptibles d’être réutilisés dans le cadre de la restauration, en remploi ou comme modèles), ce sont plus de 10 000 bois provenant de la charpente et de la flèche qui ont été prélevés, et plus de 660 palettes d’éléments lapidaires autres et d’éléments métalliques (crêtes de faîtage, tiges boulonnées, éléments d’engrenage de l’horloge…) qui ont été constituées. L’ensemble de ces éléments fait l’objet d’un inventaire détaillé en cours d’élaboration, en collaboration avec les chercheurs impliqués dans les groupes de travail du chantier scientifique MC / CNRS.

Crête de faitage © C2RMF Alexis Komenda

La très grande majorité de ces vestiges a vocation à être très prochainement accessible à la communauté scientifique dans des locaux loués par l’Établissement public Notre-Dame, et placés sous la responsabilité de la DRAC.

Vestiges conservés dans des barnums sur site - Notre-Dame de Paris

Dans ce cadre, une "convention de dépôt pour étude des vestiges" a été signée en octobre 2020 entre la DRAC et le CNRS, ouvrant ainsi de réelles perspectives pour une meilleure connaissance de cet édifice emblématique dans son contexte de mise en œuvre.