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Emmanuel Macron annonce le remplacement de l'ENA par un nouvel Institut du Service public

Le président de la République, Emmanuel Macron, a présenté les contours de sa réforme de la haute fonction publique, jeudi 8 avril, à l'Élysée.
Le président de la République, Emmanuel Macron, a présenté les contours de sa réforme de la haute fonction publique, jeudi 8 avril, à l'Élysée. POOL / REUTERS

Le chef de l'État s'était engagé en 2019 à supprimer cette prestigieuse école qui forme les hauts fonctionnaires, jugée trop déconnectée du terrain.

Au revoir les « énarques », bonjour les « ispistes ». À l'occasion de la convention managériale de l'État réunie jeudi à l'Élysée en visioconférence, le président de la République a présenté les contours de sa réforme de la haute fonction publique. Devant quelque 600 cadres dirigeants de l'État - préfets, directeurs de l'administration centrale, ambassadeurs, recteurs… -, Emmanuel Macron a notamment annoncé la suppression de l'ENA et son remplacement par une nouvelle école : l'Institut du service public ou ISP.

S'il s'agit toujours de former des cadres de la haute fonction publique, le chef de l'État veut désormais ouvrir le recrutement à de nouveaux profils, moderniser la formation, changer les pratiques et surtout faire sortir le monde de la haute fonction publique de l'entre-soi dans lequel il se complaît parfois. Emmanuel Macron en sait quelque chose, il en est issu, comme quatre des six derniers présidents de la République. «Là où l'ENA a fini par devenir une institution qui classe des individus, l'Institut du service public devra offrir à chaque étudiant des cours pour apprendre à faire, à diriger, à décider, à innover et donc bâtir une formation d'excellence reconnue sur le plan international», a ainsi déclaré le chef de l'État.

Cette consanguinité de « l'énarchie » alimente les doutes et les ressentiments à l'encontre de la classe dirigeante. « Parmi les problèmes vitaux de la France, il y en a un que vous constatez tous les jours, c'est la rupture absolue entre la base de la société - ceux qui travaillent, qui sont à la retraite, qui sont au chômage, les jeunes, les étudiants - et le prétendu sommet », a souligné François Bayrou sur Franceinfo.

C'est d'ailleurs après la crise des « gilets jaunes » et à l'issue du grand débat national qu'Emmanuel Macron avait créé la surprise en proposant de supprimer l'ENA. Il faut sélectionner des jeunes « à l'image de la société », « en fonction de leur mérite et pas de leur origine sociale ou familiale », avait-il alors expliqué pour calmer la révolte populaire et tenter de réduire la défiance à l'égard des élites politiques et administratives, jugées déconnectées. Une décapitation purement symbolique et imméritée, avaient alors dénoncé de nombreuses voix.

Une véritable «révolution»

En France, cette question de la suppression de l'ENA revient d'ailleurs comme un serpent de mer. Souvent évoquée, la réforme de l'institution a toujours buté sur l'opposition de ses anciens membres. Sous François Hollande, Annick Girardin avait tenté de lancer une réforme des ressources humaines dans l'administration. « Bon courage », lui avait répondu François Hollande en Conseil des ministres. Sous Nicolas Sarkozy, l'exécutif avait préparé un décret pour réformer l'école, mais le Conseil d'État avait rechigné en expliquant que tout cela relevait du législatif et pas du réglementaire. Seulement voilà, il ne restait plus assez de temps dans le quinquennat pour faire passer une loi… Dès lors qu'il s'agit de toucher à l'ENA, le pouvoir a toujours trouvé les énarques en travers de son chemin. Une résistance d'autant plus forte qu'ils trustent naturellement tous les postes de la haute fonction publique.

En proposant de supprimer l'ENA, Emmanuel Macron s'est heurté aux mêmes murs que ses prédécesseurs. À tel point que, ces derniers mois, l'école semblait avoir sauvé sa peau. Certes, un rapport et des préconisations avaient été rédigés par le juriste Frédéric Thiriez et remis en février 2020 au premier ministre de l'époque, Édouard Philippe. Mais sur fond de crise sanitaire, le dossier semblait enterré.

Les échéances électorales présidentielles ont finalement rattrapé l'ENA, symbole tout trouvé par le chef de l'État pour montrer qu'il réforme, qu'il tient ses promesses. À en croire l'Élysée, « plus qu'une réforme de l'action publique », il s'agit là d'une véritable « révolution ». À quelques mois de la présidentielle, l'exécutif souhaite montrer qu'il a tenu ses promesses de transformation de l'action publique, en rendant l'État et son administration « plus humains et plus proches des citoyens », explique-t-on à l'Élysée.

Une dose d'ouverture sociale supplémentaire

Que prévoit concrètement cette réforme qui doit entrer en application dès 2022 ? Elle sera finalement très proche des préconisations du rapport Thiriez. Le nouvel institut proposera un « tronc commun » à 13 écoles de la haute fonction publique (magistrature, police, santé publique…) afin de décloisonner. Le concours de l'ENA, qui recrute annuellement 40 candidats, restera en place, avec une dose d'ouverture sociale supplémentaire. En revanche, le processus d'affectation à la sortie de l'école sera revu. Les premières affectations seront « focalisées sur l'opérationnel et le terrain », explique l'Élysée. En ligne de mire, les grands corps de l'État, vers lesquels les élèves les mieux classés sont aujourd'hui directement affectés. Le président veut mettre fin à ce système de « rente à vie ».

Pas question en revanche de remettre en cause l'existence de ces institutions de contrôle que sont, depuis des centaines d'années, le Conseil d'État ou la Cour des comptes. Mais, à l'avenir, la titularisation dans ces grands corps n'interviendra qu'après « cinq ou six années d'exercice sur le terrain ». « Le terrain devient la première compétence des administrateurs de l'État, avant de prétendre à des postes de direction et de contrôle », résume-t-on à l'Élysée. Les élèves du futur institut rejoindront un corps unique, celui des « administrateurs de l'État », et seront ensuite affectés au cours de leur carrière « en lien avec leurs aspirations et les besoins ».

Quid du fameux classement de sortie ? Objet de nombreuses critiques, ce classement permet d'éviter les phénomènes de cooptation et favorise le mérite. Il restera en place, a décidé le président Macron. « Il pourra servir pour la première affectation, mais aucunement pour la suite du parcours », précise-t-on.

Sans surprise, le projet s'est attiré les critiques des énarques. Daniel Keller, le président de l'Association des anciens de l'ENA, dénonce « un populisme déguisé » et « des mesures très symboliques qui permettent, dans un contexte électoral, d'afficher la suppression de l'ENA au tableau de chasse ». Une mesure « d'autant plus paradoxale que l'ENA fait toujours rêver en France et à l'étranger », selon Daniel Keller. Hasard de calendrier, l'école recevait justement une délégation argentine désireuse de s'inspirer du modèle français.

À VOIR AUSSI - La fin de l'ENA prévue autour du 7 juin, selon Amélie de Montchalin

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1677 commentaires
  • zelinote

    le

    Sacrée réforme que celle qui choisit de changer uniquement la forme ! A quand la vraie réforme de toutes les institutions ?

  • le pluton44

    le

    par un « Institut du service public » --- « seulement voilà – mêmes professeurs enseignants, mêmes enseignements, même direction, mêmes 600 cadres » ---------------------Le pire, c’est de l’entendre dire que se sont les gilets jaunes qui lui ont demandé — l’action de gilets jaunes débute fin octobre 2018 – la suppression de l’ENA était dans le programme Macron de 2017 – voilà comment on détourne un fait dans la Macronie

  • leo.w

    le

    Que va-t-on choisir, Bonnet blanc, ou Blanc bonnet ?

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