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« La crise nous a fait toucher du doigt ce besoin d’une action publique sensible et proche » : extraits du discours de Macron

Le chef de l’Etat a annoncé la suppression de l’ENA jeudi devant les cadres dirigeants de l’Etat. Nous publions des extraits de son discours.

Le Monde

Publié le 09 avril 2021 à 11h00

Temps de Lecture 5 min.

Verbatim. « Durant toute cette crise historique que nous sommes en train de vivre, cette pandémie, je dois bien le dire, l’Etat et avec lui son administration, ont tenu. Nous avons pu soigner tous les malades et ainsi sauver des vies et les premières comparaisons internationales se fondant non sur des chiffres déclaratifs, mais sur la surmortalité globale, le montrent très clairement. Nous avons tenu et nous continuons de tenir sur le plan éducatif en étant l’un des pays au monde qui a le plus accueilli ses enfants, souvent deux à trois fois plus de semaines d’ouvertures d’écoles que nos voisins. Nous tenons et continuons de tenir en termes de continuité des services au public.

(…)

Et pourtant. Nous sommes, dans notre pays, dans une situation paradoxale. Sans doute sommes-nous l’une des sociétés où l’action publique a été le plus présente durant cette crise. Et dans le même temps, nous sommes sans doute l’une des sociétés où nous avons été le plus critiqués, où l’administration l’a été de manière bien souvent facile, et c’est devenu un propos d’estrade largement vilipendé. Ce paradoxe, il est constitutif de notre histoire.

La nation française a été bâtie par l’Etat et avec les personnels de l’administration. Peu de pays ont cette spécificité. Et donc, cela explique que l’on attende tout, parfois trop peut-être, de l’administration, et on lui reproche de ce fait souvent beaucoup, même injustement, ce qui ne dépend pas d’elle. Alors, s’il ne faut pas se laisser intimider par cette situation, il faut tout de même savoir entendre et tirer les conséquences qui s’imposent.

(…)

Nous avons devant nous un monde en transformation profonde depuis plusieurs années, transformation qui s’accélère et évidemment questionne. D’abord, le numérique qui vient transformer tout à la fois, les usages et le regard qui est porté sur l’action publique. Ce n’est pas simplement une question d’accès et de transformation des modalités d’administrer ou de l’action publique elle-même. Non, le numérique change d’abord le regard que nos concitoyens ont sur l’action publique, car il crée de l’immédiateté et de la transparence permanente.

Et donc nous sommes, tous et toutes, les décideurs politiques à coup sûr, mais toutes celles et ceux qui sont dépositaires de l’action publique, nous sommes confrontés à une accélération absolue du regard de nos concitoyens, à une transparence absolue de notre action et à une comparaison permanente. Cette crise sanitaire l’a parfaitement illustré, où, en temps réel, notre action dans tous les domaines a été comparée avec celle de nos voisins, questionnant notre efficacité, notre légitimité. Et donc, le rythme ne peut pas être le même, les modalités de construction de la décision et la communication de celle-ci ne peuvent être les mêmes, de même que l’association de nos concitoyens qui doit être repensée à l’aune de ces nouveaux usages.

L’autre grand élément de bouleversement que nous devons prendre en compte pour bâtir l’action publique, dans le siècle qui est le nôtre, c’est un environnement de défiance. L’accélération du numérique y contribue sans doute, mais si nous savons la prendre, elle sera un instrument de restauration de la confiance par la transparence. Le sujet est plus profond.

Pourquoi la défiance ? Parce que la peur monte dans nos sociétés, que les bouleversements sont historiques. Face aux transformations de la mondialisation et de la désindustrialisation, bascule de nombreux territoires, la crise des inégalités qui s’est accélérée ces dernières années en raison des mutations mêmes du capitalisme ouvert, le réchauffement climatique et ses conséquences, l’accélération des crises géopolitiques et, maintenant, les grandes crises sanitaires comme la pandémie : tous ces grands risques marquent en quelque sorte le retour de l’histoire, de grandes transformations, et parfois le caractère fragile de notre action publique qui est bousculée.

(…)

La crise que nous avons vécue, celle qu’on a appelée des « gilets jaunes », nous a fait toucher du doigt ce besoin, là aussi, d’une action publique sensible et proche pour nos concitoyens. J’en ai acquis la conviction, d’abord, que la maille départementale restait pertinente. Elle est ancienne, mais elle est comprise, connue, structurée et à bonne échelle. L’autre maille pertinente, c’est celle des bassins de vie, qu’ils soient bassins économiques ou bassins de vie pour nos concitoyens, qui correspond à peu près à la structuration de nos intercommunalités. Or, le problème que nous avons, auquel nous sommes tous confrontés, c’est que les réformes de l’Etat successives ont construit une forme d’éloignement de l’action publique par rapport à cette double maille, cette trame de vie. De deux manières.

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La RGPP [révision générale des politiques publiques], il y a un peu plus de dix ans, a réduit ce qu’on appelait alors l’appareil productif de l’Etat. Et nous avons, il faut bien le dire, largement taillé dans les effectifs locaux ; les administrations centrales ont peu réduit leurs effectifs. Les administrations locales, en particulier départementales, beaucoup. Ce premier mouvement a été accompagné par la constitution des grandes régions, qui a éloigné la décision des villes moyennes et de nos départements.

Il faut aujourd’hui, et nous avons commencé à le faire dans certains réseaux comme celui des finances publiques, un mouvement inverse. Remettre des fonctionnaires, remettre de l’action publique au contact des citoyens pour justement apporter de la présence et du réaménagement de territoires, de la matière grise dans ces territoires qui ont besoin du service, de l’accès, du contact physique et de penser l’outil numérique non pas comme un instrument d’éloignement de nos fonctionnaires au terrain, en dématérialisant des tâches et en concentrant les gens ou en capitales régionales ou à Paris, mais comme un instrument de réinvention du temps administratif et en permettant d’être au plus près de nos concitoyens. Nous avons besoin de ce contact. Il est indispensable.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés Pour éviter le couperet, l’ENA a tenté de se moderniser

(…)

La crise pose la question de l’action publique dans des termes parfois très durs pour nous tous et donc il nous faut nous-mêmes en être les acteurs à tous les niveaux, suivant ses principes d’action que je viens de dire, étant lucide sur notre force et nos insuffisances, car si nous ne la pensons pas nous-mêmes, alors des gens qui n’aiment pas l’action publique, qui n’aiment pas l’Etat, la menaceront malgré nous. A nous donc de faire. »

Le Monde

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