Décrochage scolaire des jeunes : coupler digitalisation des formations et sessions d’apprentissage intensives

Face au spectre d’une "génération Covid" peinant à accéder à l’emploi, le think tank Terra Nova mise sur une évolution des formations et une digitalisation accrue pour remédier au décrochage scolaire des jeunes. Le Conseil d’orientation pour l’emploi (COE) se montre, de son côté, particulièrement sévère à l’encontre du système de la formation professionnelle

"Des outils nouveaux permettent de former des jeunes là où ils vivent, au plus près des besoins des entreprises dans des territoires où l’offre de formation est faible", affirme Terra Nova. Dans une note publiée le 21 avril dernier, le think tank classé à gauche fait le pari de "solutions nouvelles" pour remédier aux problèmes d’insertion des jeunes décrocheurs. En 2020, selon l’Insee, 13,5% des jeunes âgés de 15 à 29 ans n’étaient ni en emploi, ni en formation, soit près d’un point de plus qu’en 2019.

Innovations pédagogiques

Les deux auteurs de la note – l’administrateur du Conservatoire national des arts et métiers (lire notre article du 19 mars 2021) Olivier Faron, et Marc-François Mignot Mahon, président de groupe Galileo Global Education, un groupe d’enseignement supérieur – misent sur le "couplage" entre la digitalisation des formations – boostée par la crise – et l’innovation pédagogique des "boot camps" ou "classes intensives".

Cette méthodologie inspirée "des techniques des camps d’entraînement militaires nord-américains", et aujourd’hui pratiquée avant tout dans le secteur informatique, consiste à "déployer des sessions d’apprentissage intensives concentrées dans le temps et verticalisées par sujet". Selon Terra Nova, il s’agit d’une "innovation assez radicale à mettre en perspective avec les cursus traditionnels que l’on connaît, dont les plannings pédagogiques sont étagés sur une année, avec parfois plusieurs thèmes abordés par jour tout au long de la semaine".

Pour Terra Nova, associer le développement massif de classes d’apprentissage avec le levier de "l’innovation radicale du digital et des méthodologies type boot camp" permettrait "à des coûts abordables (…) à des dizaines de milliers de jeunes (…) de revenir dans le système et d’apporter leur énergie à des milliers d’entreprises qui ont un besoin critique de ces compétences, et cela tout en redynamisant le développement économique de nos territoires".

Apprentis sans contrat

Pour lutter contre les phénomènes de décrochage vis-à-vis des formations du supérieur, liés à une accumulation de difficultés d’ordre éducatif et sociales, Terra Nova formule également d’autres propositions. Afin d’améliorer l’orientation des jeunes, "certains outils du monde de la formation professionnelle pourraient être utilement déclinés (…) au sein de l’environnement scolaire : du conseil en évolution professionnelle au bilan de compétences".

Outre les diplomations de bac +1 initiées par le Cnam que le rapport appelle à développer pour permettre aux jeunes de mettre un premier pied dans l’enseignement supérieur, les auteurs mettent aussi en avant la validation des acquis de l’expérience (VAE) qui est "bien le moyen de mieux diplômer l’expérience" mais où demeurent "des marges de progression". Or "les reconversions liées à la crise économique actuelle vont rendre les VAE incontournables pour les actifs contraints à une transition professionnelle".

Par ailleurs, "beaucoup de voix s’élèvent" pour maintenir ou rallonger la durée du statut de l’apprenti "sans contrat", aujourd’hui fixée à 6 mois à cause de la crise. "Il faut donc aujourd’hui le pérenniser, voire l’amplifier, en permettant le recours beaucoup plus systématique aux groupements d’entreprises lorsque le tissu local ne permet pas d’offrir assez de contrats classiques et en multipliant le recours aux missions d’intérêt général et d’utilité collective."

La note insiste enfin sur l’urgence de la crise qui impose de "former les individus aux métiers en tension non pourvus". Cela suppose d’"aller vite" en débloquant "les freins administratifs à la reconnaissance de nouvelles formations, mais aussi de pouvoir faire évoluer, en profondeur, tous les référentiels qui en constituent le socle, permettre partout et sans attendre la digitalisation des cursus".

  • Politique de formation : le conseil d’orientation pour l’emploi cingle le gouvernement

Dans un rapport publié lundi 26 avril, le Conseil d’orientation pour l’emploi (COE) se montre particulièrement sévère à l’encontre du système de la formation professionnelle, dont les "dysfonctionnements persistants" sont de nature à freiner la relance. "Les nombreuses priorités stratégiques de l’économie ne parviennent pas à se décliner clairement" dans les politiques publiques de formation, "ce qui favorise une vision adéquationniste de court terme sans d’ailleurs y parvenir", cingle cet organe consultatif placé auprès du Premier ministre, indifférent au plan d’investissement dans les compétences (lire notre article du 12 avril 2021) déployé depuis le début du quinquennat. Pour le COE, "il reste essentiel de mieux anticiper les besoins de main-d’œuvre au niveau territorial", d’améliorer l’offre de formation encore peu adaptée au distanciel, de mettre en avant l’utilité et les bénéfices des formations, mais aussi de mieux former aux emplois de "deuxième ligne" qui se sont révélés essentiels avec la crise mais pâtissent d’un manque d’attractivité.