Photo des participants de la matinée débat du Club des annonceurs

Avenir des métiers de la communication : vers une nouvelle interdépendance

© Club des annonceurs

Plus le choix. Pour sortir de la multi-crise actuelle, il faut composer avec l'accélération de la digitalisation, inverser la courbe de la défiance et imaginer fissa un nouveau modèle de société plus durable et inclusif. Le rôle des marques dans ce chantier pharaonique ? Repenser le sens et l'organisation de leurs métiers certes. Mais surtout s'inscrire dans un destin commun et solidaire avec tout leur écosystème élargi. D'où la nécessité impérieuse d'inventer de nouvelles interdépendances entre agences et annonceurs. Le 13 avril dernier, à l'occasion d’une matinée débat, le Club des Annonceurs s'est justement penché sur la question. Compte rendu.

Adieu la tech providentielle et bonjour l'humilité. C'est ainsi que Bernard Gassiat, actuel administrateur du Club des Annonceurs dont il a été également président et directeur de la communication du Groupe CIC, a voulu définir les termes du débat. En effet, à l'ère du Covid, annonceurs et agences se sont aperçus, à l'image du reste de la société, qu'on était peu de chose sans son prochain. Que face à des problèmes aux ramifications complexes, seul le collaboratif pouvait nous sortir du pétrin. Aussi, pour reprendre de bonnes habitudes solidaires, il faut d'abord commencer par se livrer à un exercice d'autocritique.

Sortir une bonne fois pour toutes de l'ère du soupçon

Ne plus faire l’autruche, tel est le mot d’ordre de Pierre Calmard, président de Dentsu en France qui appelle les marques à basculer dans une ère « post-publicitaire ». Derrière ce néologisme, il invite à prendre en considération la défiance généralisée des consommateurs vis-à-vis de la publicité intrusive « au napalm » et à adopter, en agence comme chez l'annonceur, de nouveaux réflexes de communication pour inverser la vapeur en surfant sur trois grandes tendances :

Promouvoir de nouveaux imaginaires mais arrêter de vendre du rêve

Aux yeux de Gilles Masson et de David Leclabart co-présidents de l'agence Australie.Gad, cette bascule vers un nouveau régime communicationnel est d'autant plus nécessaire que tous nos référentiels sont en train de s'effriter. Montée des populismes, désinformation scientifique, rejet du capitalisme ultralibéral, panne de la méritocratie républicain, généralisation du télétravail : dans un contexte d'incertitude durable que la crise du Covid est venue renforcer, c'est paradoxalement vers les entreprises, vectrices de proximité et de réassurance, que les citoyens se tournent.

Aussi le mot d'ordre est clair : les marques doivent jouer le rôle d'antidote à la crise ambiante en réintroduisant des repères de bon sens, utiles et positifs pour promouvoir un nouveau vivre-ensemble. Elles doivent communiquer pour promouvoir des changements et accompagner la quête de sens globale. Pour augmenter le stock de futurs pensables autour de nouveaux imaginaires de résilience, d'entraide et de progrès. À ce titre, les agences n'ont officiellement plus le devoir de vendre du rêve.

De l'adoption d'une culture « pure-player » à l'internalisation hybride

Mais pour accompagner ces changements sociétaux dans des dispositifs de communication adaptés et en phase avec les nouveaux usages numériques, encore faut-il déjà que les entreprises adaptent leurs métiers pour, elles-mêmes, bien vivre les mutations en cours.

Et c'est tout le propos de Fabrice Valmier, co-dirigeant du Groupe VT scan, un cabinet de conseil en choix d’agences de communication. Selon lui, face à l'accélération de la digitalisation, les boîtes « traditionnelles » ont tout intérêt à faire évoluer leur organisation selon trois axes distincts :

  • Veiller, malgré la dématérialisation croissante des process et des interactions, à garder une culture d'entreprise « human-centric » notamment dans le management et en matière d'onboarding,
  • S'inspirer de la culture data-driven de leurs confrères « pure-player » en privilégiant une approche smart data pour analyser les comportements clients sur les différents points de contact
  • Songer à une forme d'in-housing intermédiaire où l'on accueillerait in situ et au long terme une agence intégrée plutôt que d'internaliser tout bonnement des compétences silotées.

Pour Bernard Gassiat du Groupe CIC, une internalisation hybride de ce type permet de répondre aux nouveaux enjeux de communication qui somment les entreprises de réagir en temps réel, sur l'intégralité des points de contact, sans faire de ciblage publicitaire invasif… et tout en maîtrisant les coûts. D'où la nécessité, selon lui, de réfléchir avec les agences à de nouveaux process d'industrialisation de solutions intégrées capables d'encapsuler de la communication publicitaire, du social, de l'événementiel, mais aussi des relations presse.

Le danger de l'atomisation des « métiers »

Or, côté agences, ce type d'aggiornamento organisationnel suppose d'arriver à synchroniser une grande pluralité de métiers qui fonctionnent selon des business models très différents. Le but du jeu, comme le rappellent Gilles Masson et de David Leclabart qui ont récemment fusionné leurs structures d'agence, c'est d'arriver justement à désiloter les expertises tout en élargissant considérablement la gamme de compétences transverses et sans jamais diluer son capital de marque. Une tâche pas forcément aisée quand on réalise que la mission principale des agences consiste aujourd'hui tout à la fois à être garantes de la big picture, à assurer une mission de conseil auprès de l'annonceur avec suffisamment de recul et de fraîcheur mais aussi à coordonner des nouveaux métiers qui n'auraient jamais fonctionné en synergie dans le monde d'avant. Aussi, l'enjeu ultime pour les agences, selon les co-présidents d'Australie.Gad, est bien d'adopter un esprit entrepreneurial hyper-agile, de revendiquer une approche humaine et créative de la data et de recruter toujours plus de diversité.

Et demain, de la data et basta ?

Car oui, comme le souligne Bernard Gassiat, pour assurer la relève et former les communicants de demain, il faudra certes creuser le sillon de la technologie créative mais surtout se demander si les nouvelles agences intégrées auront pour seul but d'assurer la logistique et le déploiement d'une nouvelle « business intelligence » visant à synchroniser de la data, dans un monde sans cookies, sur un parcours client au service de la conversion ou de la diversification des marques. La réponse se trouve comme toujours dans la nuance. En effet, les nouveaux talents viendront aux métiers de la communication s'ils en éprouvent le pouvoir de transformation. S'ils ont la conviction que le storytelling 4.0 peut changer le monde.

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