Covid : « des outils nouveaux » pour limiter le nombre de décrocheurs
Un rapport du « think tank » Terra Nova plaide pour former autrement les décrocheurs, par des sessions intensives inspirées des techniques des camps d'entraînement militaires nord-américains et un recours accru au digital.
La crise sanitaire a braqué les regards sur les « décrocheurs ». Selon l'Insee, 13,5 % des 15-29 ans n'étaient, en 2020, ni en emploi, ni en études, ni en formation , soit 1,6 million de jeunes. « Le spectre d'une génération Covid est bien présent », affirme le « think tank » Terra Nova dans un rapport (1) que « Les Echos » se sont procuré. La crise sanitaire risque de « venir grossir les flux de l'échec dans les mois et les années à venir », préviennent les auteurs, Olivier Faron (administrateur général du Conservatoire national des arts et métiers) et Marc-François Mignot-Mahon (président de Galileo global éducation).
Pour l'éviter, il faut « un effort accru de formation », plaident-ils, mais avec « des outils nouveaux qui permettent de former des jeunes là où ils vivent, au plus près des besoins des entreprises dans des territoires où l'offre de formation est faible ».
« Une opportunité historique »
« Le jeune décrocheur, cela fait parfois treize ans qu'on lui a dit qu'il était en échec, s'il a le sentiment qu'il va encore se faire maltraiter voire qu'il doit aller se former ailleurs, cela ne fonctionnera pas », explique Marc-François Mignot-Mahon, à la tête du numéro un français et européen de l'enseignement supérieur privé.
« Certaines PME ont le plus grand mal à trouver les compétences dont elles ont besoin », souligne-t-il. Il suggère donc de « faire les formations au plus près des gens et des besoins ». Or, la crise sanitaire offre selon lui « une opportunité historique », grâce à quatre éléments dont « la conjonction peut tout faire basculer » : apprentissage, groupements d'entreprises, digital et « boot camps ».
Des sessions d'apprentissage intensif
Les « boot camps », inspirés des techniques des camps d'entraînement militaires nord-américains, sont des sessions d'apprentissage intensif, de quelques jours ou quelques mois, pour « aider le jeune à retrouver un savoir-être en phase avec les contraintes du monde professionnel ». La formation s'acquiert par blocs de compétence, sujet par sujet, avec la mise en oeuvre en entreprise de ce qui a été appris. « Les personnes formées selon ces méthodologies se comptent désormais en millions dans le monde entier », souligne le rapport.
Par ailleurs, la crise sanitaire, qui a accéléré le développement du digital , doit permettre de « créer des classes partout », en contournant les difficultés de mobilité des décrocheurs.
« Des jeunes disponibles »
Pour répondre aux besoins des entreprises, le rapport de Terra Nova plaide pour un recours « plus systématique » aux groupements d'entreprises quand « le tissu local ne permet pas d'offrir assez de contrats classiques ». Le jeune en contrat d'apprentissage ne serait plus en face d'une entreprise mais d'un groupement d'entreprises qui s'engagerait à lui offrir un contrat d'un à deux ans.
Durant cette période, il pourrait par exemple, se former à la menuiserie, puis travailler quelques mois dans un magasin avant d'assurer des travaux d'intérêt général dans une collectivité ou de rejoindre une autre entreprise, en fonction des besoins locaux. « Si les entreprises d'un territoire se regroupent, qu'elles ont des jeunes disponibles quand elles galèrent pour trouver de la main-d'oeuvre, tout en ayant la souplesse de les prendre ou pas, et pas forcément du 4 septembre au 1er juin, il y a très peu de chances qu'elles ne les emploient pas régulièrement », parie Marc-François Mignot-Mahon.
Des modifications réglementaires voire législatives
Mettre en oeuvre ces propositions supposerait toutefois des modifications réglementaires voire législatives, notamment pour le « recours massif aux groupements d'entreprises » ou la digitalisation « massive » de référentiels de formation « sur-mesure » et devant « s'adapter aux changements incessants des compétences demandées par le marché du travail ». De quoi nourrir de vifs débats.
(1) « Agir pour la réussite des jeunes en difficulté, dans leur territoire »
Marie-Christine Corbier