Voir Ménigoute (Deux-Sèvres), sa chapelle gothique et son église romane se mérite. Il existe plusieurs chemins, plus ou moins longs, pour atteindre le village. Inutile de demander sa route au GPS, qui, faute de réseau, fonctionne en mode aléatoire. Il est toutefois possible de passer par Saint-Martin-du-Fouilloux (Deux-Sèvres), en venant de Parthenay, et de traverser le bocage. Ou alors, il y a le train jusqu’à Saint-Maixent-l’Ecole, et puis 18 kilomètres sur la départementale 58, en passant par Fomperron. Quoi qu’il en soit, il faut une voiture, et le droit de la conduire. Sinon, « t’es bloqué », témoigne Alexandre, 21 ans, enfant du pays. Une prison verte à l’air pur, de laquelle les jeunes les plus fragiles peinent à s’extirper.
Jeudi 4 mars, le « Campus de projets » de Ménigoute, 900 habitants, a rouvert ses portes. Il est installé face à l’église, à deux pas de la poste et autant de la pharmacie. Il succède au « Français », un ancien bar PMU qui a définitivement baissé le rideau. Son activité n’est pas frénétique. Le pays ménigoutais, 4 900 habitants (avec moins de 21 âmes au mètre carré), compte probablement plus de moutons que d’humains. Inauguré début 2020, le Campus de projets, financé notamment au travers d’un appel à projets national lancé pendant la présidence de François Hollande, avait été promptement refermé du fait de la crise sanitaire. Sa raison d’être : retisser un lien avec les décrocheurs ruraux, guider ces jeunes, à pas lents, vers une école, une formation professionnalisante, ou encore vers le sésame indispensable sur un territoire où plusieurs kilomètres séparent chaque village : le permis de conduire.
« Je m’occupe comme je peux »
En ce jour de réouverture, Johanna, 17 ans, passe, hésitante, le seuil de la porte. Réfugiée derrière son masque, elle répond timidement à l’invitation de Marion Godard, conseillère en insertion professionnelle. Lycéenne, sa scolarité n’a pas résisté au premier confinement. « J’ai décroché », reconnaît-elle. Depuis un an, son horizon se rétrécit. Malgré quelques heures de travail comme aide à l’enfance depuis septembre 2020, les semaines sont longues. « Je m’occupe comme je peux. Je dessine, j’aimerais travailler le dessin… » Depuis des années, Johanna remplit des carnets, distribue ses créations. Mais comment rêver d’une école d’art depuis Ménigoute ? L’établissement spécialisé le plus proche est à Niort, à une heure de route. Johanna n’a pas de voiture, ni de permis, ni même l’âge de conduire.
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