Ce lundi 3 mai, Axelle de Russé et Catalina Martin-Chico se retrouvaient autour d’un thé pour discuter d’un projet commun au collodion humide, procédé de tirage photographique datant du XIXe siècle. Une première pour ces deux photojournalistes, jusqu’alors plutôt repérées pour leurs reportages d’actualité dans les magazines sur l’agroforesterie au Togo ou sur les FARC dans la jungle colombienne. « Tout s’est ralenti depuis la pandémie, explique Axelle de Russé, qui a vu se tarir tout son travail à l’étranger. Cette lenteur de la vie au temps du Covid a fait naître des projets au plus long cours, plus artistiques, plus personnels. On a tous été obligé de se réinventer. »
Frappée de plein fouet par le confinement de mars 2020, la profession reste un an après toujours exsangue : les restrictions de déplacements, la fermeture des musées, l’annulation des festivals et, plus généralement, les difficultés économiques des entreprises, grandes commanditaires de travaux photographiques, ont touché aussi bien les photojournalistes, les artistes-auteurs (les plus nombreux), que les artisans. Une enquête publiée en mars par l’Union des photographes professionnels (UPP) auprès de 589 photographes montre que la profession s’est, dans son ensemble, beaucoup appauvrie.
« Une aide essentielle »
La moité des personnes interrogées affirme avoir perdu 50 % ou plus de son chiffre d’affaires. Et les plus précaires ont été les plus touchés : le pourcentage des photographes ayant un chiffre d’affaires annuel inférieur à 10 000 euros a doublé entre 2019 et 2020, passant de 19 % à 38 %. Certains photojournalistes ont pu bénéficier du chômage partiel, et des aides ont été distribuées par le Centre national des arts plastiques (CNAP) pour les photographes qui ont vu leurs expositions, atelier ou résidence annulés.
Mais c’est surtout le fonds de solidarité, mesure d’urgence ouverte aux indépendants confrontés à une chute de revenus, qui a fait la différence. Selon l’étude, près de 70 % des photographes y ont eu recours : « Cette aide, versée rapidement, a été essentielle, elle n’a pas couvert les pertes mais ça a permis aux gens de survivre, tout simplement » souligne Matthieu Baudeau, président de l’UPP.
« Le fonds de solidarité m’a maintenu la tête hors de l’eau, confirme la photoreporter Catalina Martin-Chico. Sans ça, j’aurais dû quitter Paris. J’ai même pensé à livrer de la nourriture. » La photographe a conservé des ateliers, animés en ligne, mais a perdu une grande partie de ses commandes. Le photographe Vincent Desailly a, lui aussi, vu son parcours stoppé en plein vol : après un premier livre bien accueilli sur le hip-hop (The Trap, éd. Hatje Kanz, épuisé), des commandes qui s’enchaînent pour la presse, la mode ou la publicité, des projets à New York et au Brésil, il s’est retrouvé tout à coup cloué à Paris, « sans travail pendant trois mois, dans mon 28 m2, en panique financière. Je suis passé d’un coup de cigale à fourmi. Heureusement, quelques clients fidèles ont été les phares dans la nuit qui m’ont convaincu de ne pas tout remettre en cause ».
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