Elles avaient perdu de leur aura, les voilà qui brillent de nouveau dans le cœur des futurs bacheliers. En cette année bouleversée par le Covid-19, le nombre de candidatures reçues par les classes préparatoires aux grandes écoles s’est envolé : +28 % en un an, d’après les chiffres de la plate-forme Parcoursup. « C’est un vrai rebond », constate Pascal Charpentier, président de l’Association des proviseurs de lycées à classes préparatoires, qui rappelle qu’il ne s’agit pas d’inscriptions effectives, mais de dossiers envoyés (chaque candidat a formulé 12 demandes en moyenne). Les résultats des admissions tomberont à partir du jeudi 27 mai.
La hausse concerne presque toutes les filières, qu’elles soient scientifiques, littéraires ou commerciales, jusqu’aux nouvelles « maths sup » spécialité informatique lancées à la rentrée : celles-ci cumulent déjà 30 000 candidatures. Cet afflux touche aussi des prépas moins connues, comme la « D1 » (économie-droit) : ce cursus hybride mêlant prépa et licence voit son nombre de candidatures doubler en un an. Ainsi, au lycée Marie-Curie de Sceaux (Hauts-de-Seine), 1 200 dossiers ont été étudiés cette année, contre 700 en 2020. « Et nous avons de très bons dossiers, le niveau n’a pas baissé », assure Etienne Recoing, le proviseur.
Si cet essor interpelle, c’est qu’il intervient dans un contexte de stagnation, voire de légère baisse des effectifs dans ces formations depuis quelques années. Sommet de la pyramide scolaire, machines à « fabriquer la jeunesse dominante », selon la sociologue Muriel Darmon, ces classes réputées exigeantes et compétitives ont perdu 1 600 étudiants en cinq ans. Et ce, alors même que les effectifs dans l’enseignement supérieur ont significativement augmenté sur la période (+11 % entre 2015 et 2020).
Institutions « enveloppantes »
Les causes ont été bien identifiées par les enseignants et les acteurs de l’orientation : moindre attractivité d’un modèle perçu comme contraignant, passéiste ou peu épanouissant, concurrence de nouvelles formations (« bachelors » des écoles de commerce ou d’ingénieurs, doubles licences…), développement des admissions parallèles, attrait des études post-bac en Suisse, en Angleterre ou au Canada…
La pandémie aurait-elle fait tourner le vent ? C’est ce qu’estiment nombre de proviseurs et d’enseignants, mais aussi des lycéens interrogés. Avec des expressions qui sont les mêmes pour tous : le besoin d’encadrement, de proximité, d’un cadre sécurisant après une année marquée par l’incertitude et les privations. Comme des bulles de protection, les prépas sont ce que Muriel Darmon appelle des « institutions enveloppantes » : elles fournissent un environnement « total », basé sur l’accompagnement, la discipline et l’encadrement dans tous les aspects de la vie. « L’institution opère en étant soucieuse du bien-être physique, social ou psychologique d’élèves qu’il ne s’agit pas tant de faire obéir que de faire travailler », écrit-elle dans son ouvrage Classes préparatoires (La Découverte, 2013).
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