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Série

Gestionnaire de syndic : un métier détesté à tort ?

« Ces métiers mal-aimés », épisode 2 - Véreux, indisponibles, qui se tournent les pouces... Les clichés vont bon train sur la profession des gestionnaires de syndic de copropriété, des hommes et des femmes orchestre qui s'occupent de la gestion d'un immeuble et de ses habitants. Pourtant, à en écouter certains, le métier est passionnant.

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(iStock)

Par Camille Wong

Publié le 8 avr. 2021 à 07:00Mis à jour le 13 févr. 2023 à 16:18

Quand on pense aux métiers de l'immobilier, on imagine aisément Stéphane Plaza, dossier sous le bras, en train de chasser les appartements. On pense moins à ceux qui les gèrent, et encore moins ceux qui s'occupent de l'immeuble, à savoir le syndic de copropriété. Comme beaucoup, Guillaume Ranchin alors en études immobilières, s'est imaginé en vendeur. « Mais je n'étais finalement pas fait pour cela, j'étais trop honnête, trop franc, sourit-il. Lors d'une visite, je peux donner tous les détails, les bons comme les mauvais, même ceux qui peuvent faire capoter la vente » Bref, pas assez « requin ».

Il choisit alors une branche qui, si l'on devait n'en retenir qu'une, hérisse tout particulièrement le poil de bon nombre de propriétaires et concentre tous leurs griefs : celui de gestionnaire de syndic de copropriété.

Ils seraient tantôt arnaqueurs, tantôt voleurs, tantôt inefficaces et habitués à se tourner les pouces alors que l'immeuble s'effondre. Leur métier pâtit d'une mauvaise réputation, c'est peu de le dire. Beaucoup l'expliquent par une mauvaise compréhension de leur activité mais aussi des erreurs du passé, celles de syndic qui ont été au coeur de scandales d'arnaques de fonds, et de pratiques trompeuses.

Syndic, quèsaco ?

Toute copropriété doit être dotée d'un syndic, professionnel ou bénévole. Celui-ci a le rôle d'un organe exécutif. Il fait notamment respecter et appliquer les dispositions du règlement de copropriété et doit représenter le syndicat des copropriétaires dans ses actes et ses actions en justice. Il gère l'administration courante et les finances de l'immeuble. Il peut éventuellement être assisté d'un conseil syndical, des copropriétaires élu en Assemblée Générale. Chaque gestionnaire de copropriété gère entre 30 et 50 immeubles.

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« Le syndic est à la fois politicien, en quête de réélection chaque année, mais aussi gendarme puisqu'il doit faire respecter le règlement d'immeuble, explique Gilles Frémont, à la tête de l'Association Nationale des Gestionnaires de Copropriété (ANGC). Il est aussi le percepteur car il collecte les charges de copropriété et intervient malheureusement pour des actions qui sont « négatives » pour le copropriétaire. » A savoir : des sinistres en tout genre ou encore des conflits entre voisinage.

Pierre Alvernhe, gestionnaire chez White Bird, un néo-syndic, va même plus loin dans sa volonté de réhabiliter son métier. « J'ai choisi exprès un secteur mal-aimé et décrié pour prouver que, si on fait bien notre boulot, il n'y a pas de raison qu'on ne puisse pas réussir. »

Répondre au téléphone ?

De tous les clichés, celui qui revient le plus à leurs oreilles et un brin moins fantasque : ils ne répondraient jamais au téléphone. « Certains clients n'en reviennent pas et me disent : 'mais c'est incroyable, vous nous avez répondu dans la journée !' » s'amuse Pierre Alvernhe. Et Guillaume Ranchin, qui travaille chez La Forêt (agence immobilière qui fait aussi syndic), d'ajouter : « Si l'on ne répond pas tout de suite à un mail c'est aussi parce qu'on est souvent débordés. Mais dans tous les cas, on le fait. »

A côté de son métier de gestionnaire de syndic, Maïssa Gargouri est avec sa soeur Mayada, dessinatrice de bandes dessinées.

A côté de son métier de gestionnaire de syndic, Maïssa Gargouri est avec sa soeur Mayada, dessinatrice de bandes dessinées.DR

Les gestionnaires interviewés sont unanimes : leur quotidien est riche. « On peut faire du juridique, de la technique, du terrain et de l'administratif. Autant de tâches qui permettent de s'enrichir et de ne pas s'ennuyer au quotidien. On en apprend tous les jours », confie Maïssa Gargouri, associée chez Dauchez, un brin hyperactive. Chaque gestionnaire travaille de cohorte avec un assistant et un comptable. Le tout, avec un emploi du temps plutôt flexible, en particulier dans les petites structures. « Vous êtes un chef d'orchestre : gestion des interventions dans un immeuble, suivi des budgets, management des équipes », abonde Gilles Frémont. Et d'ajouter : « Vous avez aussi une partie terrain avec le suivi de travaux, souvent ambitieux : ravalement de façade, création de sas, toitures, etc. »

Assemblée générale, qu'est-ce que c'est ?

Elle a lieu une fois par an minimum et réunit tous les copropriétaires, qui doivent décider des travaux et des futures orientations de l'immeuble. Plus communément appelée « l'AG », elle répond à des règles très précises, est animée par le gestionnaire de copropriété et fait l'objet à l'issue d'un procès-verbal.

Avant de se lancer dans ce secteur, Guillaume Ranchin avait fait une assemblée générale à titre privé, qui de son aveu, s'était très mal passée. « Je me suis dit, c'est quoi ce métier de fou avec un mec qui est payé pour se faire taper dessus ? » Heureusement, la réalité est bien plus nuancée. « La plupart du temps, la gestion se passe très bien, le relationnel suit et la confiance s'installe », poursuit le jeune homme. Les clés du succès ? La transparence et la communication, répondent en choeur les gestionnaires. « La pédagogie doit être au coeur de ce métier, il faut être capable d'expliquer des dossiers compliqués et communiquer à chaque étape pour montrer qu'on est là, qu'on est actif », précise Maïssa Gargouri. Et d'ajouter : « On tisse des liens avec les copropriétaires, on s'y attache. Durant les confinements, on s'est parfois appelés en dehors de nos horaires de travail pour prendre des nouvelles et s'assurer de la santé des uns et des autres. »

Des rémunérations intéressantes

Passionnée par son métier, la gestionnaire adore gérer les « gros dossiers ». Comme ce sinistre, dans le XIVème arrondissement de Paris, où un trou béant dans une salle de bains donnait… sur les catacombes de la ville. « On a frôlé la crise cardiaque, se souvient-elle. Il a fallu gérer sur tous les fronts : les assurances, la technique et rassurer les copropriétaires. » Tout s'est bien terminé.

Au total la profession est plutôt féminine : 63 % des gestionnaires sont des femmes, note un sondage de l'ANGC. Les diplômes vont du bac+3 (le plus souvent) au bac+5. Le salaire médian est de 46.000 euros annuels brut en région parisienne, et de 36.000 euros ailleurs. A noter que le niveau d'études ne semble avoir qu'un léger impact sur la rémunération. Au grade supérieur, à savoir directeur de copropriété, les salaires médians sont de 55.000 euros à Paris et 45.000 euros en régions.

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« Zéro chômage ! »

Evidemment, tout n'est pas toujours rose. Il faut bien gérer quelques petites tâches au quotidien (étiquettes sur les boîtes aux lettres, problèmes de poubelles, etc.), bien souvent, une surcharge de mails, ou encore animer les assemblées générales qui finissent tard le soir. Sur ce dernier point, la crise du Covid peut changer la donne : avec les confinements et les couvre-feux, beaucoup ont désormais lieu en journée et en visioconférence.

Le secteur, qui peine à recruter, promet une évolution plutôt rapide. « Au sortir de l'école, vous commencez comme assistant junior, puis passez confirmé au bout de trois ans. Après dix ans, vous avez une telle expérience que vous êtes beaucoup demandé », conclut Gilles Frémont. Chez, eux, le chômage, « ça n'existe pas ».

SERIE « CES METIERS MAL-AIMES »

Ils sont experts-comptables, notaires, gestionnaires de syndic, actuaires, banquiers… et leur profession pâtit d'une mauvaise réputation. A travers leurs témoignages, nous vous proposons un nouveau regard sur leur métier et de déconstruire les clichés.

Retrouvez le premier épisode de la série :

- Expert-comptable : un métier plus proche des patrons que des chiffres

Camille Wong

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