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Série

Notaire : un métier stimulant qui va au-delà de la rédaction d'actes

« Ces métiers mal-aimés », épisode 3 - Notaire, un métier poussiéreux et austère, un milieu d'hommes… Les clichés vont bon train sur ces professionnels du droit qui sont dotés d'une mission publique : établir et authentifier des actes juridiques. Mais, à les écouter, leur profession serait bien plus vivifiante, avec des missions intellectuellement rigoureuses.

En France, 54 % des notaires sont des femmes, contre 34% en 2015.
En France, 54 % des notaires sont des femmes, contre 34% en 2015. (iStock)

Par Camille Wong

Publié le 21 avr. 2021 à 07:02Mis à jour le 13 févr. 2023 à 16:18

Ils ont découvert le notariat un peu par hasard. Etudiants en droit, ils rêvaient, comme beaucoup de jeunes de leur âge, de devenir magistrat ou avocat. Puis il y a eu un stage, un cours à l'université, un professeur… « Ce n'est pas du tout un métier vers lequel je me destinais… Personne n'a fait du droit ou du notariat dans ma famille », sourit Camille Barbot, 27 ans, notaire stagiaire à Paris. Il est vrai qu'on imagine aisément les notaires se transmettre la plaque de père en fils. Et pour cause, cela a longtemps été le cas. Un phénomène favorisé par une disposition qui peut paraitre aujourd'hui étrange. « Avant 1973, une expérience dans une étude (structure dans laquelle exerce un notaire, aussi appelée office, ndlr.) suffisait pour exercer. Aujourd'hui, il faut l'équivalent d'un Bac+8 », explique Boris Vienne, notaire et porte-parole du Conseil supérieur du notariat.

Un notaire est diplômé en droit, voire de droit notarial, une filière sélective à l'université. Ensuite, il intègre une étude et devient stagiaire entre 24 et 30 mois. Après, il peut prétendre à devenir notaire salarié, puis un jour, associé ou lancer sa propre étude. Il est investi d'une mission d'autorité publique, chargé d'établir et d'authentifier des actes et des contrats. « C'est très stimulant. Il faut tout le temps réfléchir et traiter des actes qui n'ont parfois rien à voir entre eux et trouver des solutions pour concilier le juridique et l'objectif du client », explique Constance Delcourt, 23 ans, notaire stagiaire en Haute-Garonne.

« Médecin du patrimoine »

« On accole beaucoup une image d'austérité au métier, mais il y a aussi une fonction de conseil. Les notaires ne sont pas uniquement là pour faire des contrats », précise Caroline Archambault, 38 ans, notaire salariée à Paris. Et d'ajouter : « Peu importe que votre client soit un particulier, un institutionnel, une entreprise ou une collectivité publique : quelqu'un vient vous voir et à besoin de vous, de vos conseils, de vos solutions. C'est ça qui est grisant dans notre métier. » Une facette qui, en revanche, n'est que très peu perçue par le grand public. Selon un récent sondage OpinionWay et Wolters Kluwer , 82 % des Français estiment la profession comme étant dédiée à la rédaction d'actes, la notion de conseil n'arrivant qu'en cinquième position.

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Autre enseignement de cette étude qui ne devrait pas faire plaisir à la profession : seuls 4 Français sur 10 sont persuadés de l'utilité de ce métier. Les notaires, eux, sont unanimes sur cette question : 9 sur 10 des professionnels sondés se jugent « tout à fait utiles » à la société.

Côté particulier, le notaire intervient à de nombreuses étapes de la vie : pacs ou mariage, première acquisition immobilière, revente, constitution d'entreprises, organisation du patrimoine, succession, etc. Selon OpinionWay, 76 % des Français considèrent qu'ils feront appel à un notaire au moins une fois dans leur vie. « Le grand public n'a pas conscience du spectre de compétences du notaire. C'est un médecin du patrimoine et comme un médecin généraliste, on va le voir pour tout », ajoute Camille Barbot.

Chaque année en France, les notaires reçoivent 20 millions de personnes. Ils établissent quatre millions d'actes authentiques et plus de 320.000 déclarations de succession, pour un chiffre d'affaires global de huit milliards d'euros.

Les frais de notaire

Reste une critique qui revient régulièrement aux oreilles des professionnels : les frais de notaires, en particulier lors d'un achat immobilier. « On me dit souvent qu'on prend une somme folle sur une acquisition, alors qu'en réalité, on est le collecteur de l'impôt pour l'Etat », ajoute la jeune notaire. En moyenne, environ 20 % des frais payés par l'acheteur reviennent au notaire, le reste part en taxes.

En même temps que leur signature, les notaires apposent aussi leur responsabilité. Avant chaque vente, ils procèdent à un audit pour sécuriser les actes : sismicité, déclarations du vendeur, hypothèque, etc. Dans le cas d'une vente d'un appartement, il va s'assurer que le bien appartient bien au vendeur ou que la mairie ne souhaite pas le préempter. Lors des contrats de mariage ou de succession, où il faut s'assurer que toutes les parties sont bien saines d'esprit et en pleine possession de leurs moyens. « Cette responsabilité peut vite retomber sur le notaire. Comme nous sommes bien assurés et que nous avons un fonds de solidarité, les avocats s'intéressent facilement à nous pour voir si on n'a pas fait d'erreur », souligne Constance Delcourt.

Profession féminisée

Au global, la profession compte plus de 16.000 notaires, contre 10.000 en 2016. Un boom dû à la libéralisation de la profession avec la loi Macron de 2015, qui a réformé les conditions d'accès au métier pour diversifier l'installation des notaires sur le territoire. L'Etat a établi une carte déterminant les zones en tension et celles accessibles. Si un jeune notaire veut s'installer dans les premières, il devra passer par un tirage au sort. S'il souhaite s'établir dans les secondes, l'installation est libre.

Autre fait marquant : la profession se féminise à vitesse grand V. 54 % des notaires sont des femmes (contre 34% en 2015), loin des clichés du notaire masculin dans son bureau en bois, entouré de bibliothèques. Et chez les jeunes diplômés, promotion 2020, elles étaient 72 % ! « La sélection au master est plus ardue et les femmes sont souvent meilleures », explique Boris Vienne du CSN, pour qui la profession rajeunit de plus en plus et surtout se modernise : « Technologiquement, c'est l'une des seules professions juridiques à être proche des 100 % d'actes électroniques. »

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Reste que la profession n'est pas de tout repos. Les horaires sont lourds et les délais, souvent imposés par les clients, exigeants. Les notaires stagiaires doivent composer de leur côté entre les cours et le travail dans leur office, et ceux durant deux ans. « C'est un métier où il faut faire ses preuves, avec un fort investissement tout en révisant les cours le week-end ou durant les vacances », explique Camille Barbot.

En échange, un avantage et pas des moindres : la rémunération. Celle-ci varie énormément en fonction du statut (stagiaire, salarié, associé…), du niveau d'expérience et de l'office dans laquelle le notaire travaille. Le salaire d'un débutant commence à 2.000 euros net par mois et peut atteindre cinq chiffres avec la séniorité. Selon l'Union nationale des associations agréées, la rémunération moyenne des notaires était de 14.751 euros net par mois en 2019.

SERIE « CES METIERS MAL-AIMES »

Ils sont experts-comptables, notaires, gestionnaires de syndic, actuaires, banquiers… et leur profession pâtit d'une mauvaise réputation. A travers leurs témoignages, nous vous proposons un nouveau regard sur leur métier et de déconstruire les clichés.

Episode 1 : Expert-comptable : un métier plus proche des patrons que des chiffres

Episode 2 : Gestionnaire de syndic : un métier détesté à tort ?

Camille Wong

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