Éducation : après plus de 50 ans d'existence, les D.U.T. deviennent les... B.U.T.

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Éducation : après plus de 50 ans d'existence, les D.U.T. deviennent les... B.U.T.

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De plus en plus d'étudiants en DUT complétaient leurs deux années de formation par une licence professionnelle. Désormais ils auront un vrai cursus sur trois ans, aligné sur la licence universitaire.
De plus en plus d'étudiants en DUT complétaient leurs deux années de formation par une licence professionnelle. Désormais ils auront un vrai cursus sur trois ans, aligné sur la licence universitaire.
© Radio France - X. D.

À la rentrée, les Diplômes universitaires de technologie, créés en 1966, deviennent des Bachelors universitaires de technologie : trois ans de formation au lieu de deux, réservée à 50% aux bacheliers technologiques. Menée au pas de charge, la réforme n'est pourtant pas totalement prête.

C'est une réforme passée un peu inaperçue. La transition du D.U.T. vers le B.U.T. a pour premier objectif de s'adapter à la demande croissante des entreprises, qui réclament des diplômés à Bac+3. “Le monde socio-économique ne recrute pas majoritairement à Bac+2. Nos étudiants sont à 95 % en poursuite d'études et le taux d'employabilité des étudiants diplômés d'une licence professionnelle, c'est-à-dire Bac+3 est bien supérieur au Bac+2, donc l'idée était d'avoir une offre de formation en lien avec une politique de recrutement du monde socio-économique”, précise Xavier Sense, directeur de l'I.U.T. de Paris, et vice-président de l'AD.U.T., l'Assemblée des directeurs d'I.U.T.. Depuis les années 2000, de plus en plus d'étudiants en D.U.T. complétaient leurs deux années de formation par une licence professionnelle. Désormais ils auront un vrai cursus sur trois ans, aligné sur la licence universitaire.

“La petite difficulté”, reconnaît Xavier Sense, “c'est que le recrutement à Bac+3 varie fortement selon les entreprises et selon les territoires”. En effet, poursuit-il, “la politique de recrutement des entreprises à Bac+3 est très forte dans le domaine de l'industrie, et beaucoup moins dans les entreprises de services. Dans une ville comme Le Creusot par exemple, l'employabilité à Bac+3 et le recrutement de cadres intermédiaires sont beaucoup plus forts. À Paris, au contraire, où il y a des sièges d'entreprises, on observe une politique de recrutement à Bac+5. Mais globalement, au niveau national, la demande de formation de cadres intermédiaires est de plus en plus forte et, l'idée, c'est que les I.U.T. répondent parfaitement à cette demande avec ce Bachelor universitaire de technologie”.

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630 000 vœux supplémentaires dans Parcoursup

Le deuxième objectif est d'accueillir 50% de bacs technologiques, contre 35% actuellement. “Au niveau du réseau des I.U.T., nous avions plutôt défendu un plan progressif c'est-à-dire d'atteindre cet objectif-cible qui figure dans l'arrêté de création du Bachelor universitaire de technologie d'ici 3 ans, mais le ministère a souhaité que cet objectif prenne sa réalité dès septembre 2021”, explique le vice-président de l'Assemblée des Directeurs d'I.U.T.. 

“Le problème”, ajoute-t-il, “c'est que les I.U.T. deviennent une filière très sélective pour les candidats issus de la filière générale du baccalauréat. Il y a moins de chance d'intégrer un I.U.T. quand on vient de la filière générale que lorsqu'on vient de la filière technologique et les lycéens actuellement en filière générale n'avaient pas cette information en seconde quand ils ont choisi cette filière générale du baccalauréat. C'est pour cette raison que nous militions pour un plan progressif à trois ans qui aurait permis d'avoir une information claire et précise auprès des lycéens de seconde pour qu'ils choisissent la filière technologique au regard de leur projet de poursuite d'études”

Mais cette nouveauté n'a pas découragé les candidats puisque Parcoursup enregistre 630 000 vœux supplémentaires pour des D.U.T. par rapport à l'année dernière, soit un total de 1 797 793 vœux pour les 108 I.U.T..

Lisser les difficultés sur trois ans 

Cet objectif d'intégrer 50% de bacs technologiques est non seulement trop rapide, mais aussi irréaliste pour certaines filières, dénonce Caroline Mauriat, cheffe de département à l'I.U.T. d'Aix-Marseille et du syndicat de l'enseignement supérieur Snesup : “Accueillir plus de bacs technologiques est un objectif qu'on peut avoir, on n'est pas du tout opposé à cette idée-là, au contraire. Mais c'est précipité pour 2021 et même le ministère sait très bien qu'on ne pourra pas tenir ces chiffres-là pour la simple et bonne raison que le vivier de lycéens technologiques n'existe pas à certains endroits. On ne peut pas créer des lycéens ex-nihilo. D'une façon générale, il n'y a pas assez de bacs technologiques scientifiques et il y a des disparités géographiques selon les académies. Dans mon académie, un travail est fait depuis longtemps avec le rectorat pour progresser sur le nombre de bacheliers technologiques accueillis, mais on a progressé de deux ou trois points en cinq ans. On fait avec le vivier qui existe. Et après se pose la question de les faire réussir.” 

Ce sera tout l'enjeu de cette formation étalée sur trois ans. Ces trois années permettront peut-être de lisser les difficultés car actuellement 50% des bacheliers technologiques obtiennent leur D.U.T. en deux ans, contre 75% des bacs généraux.

“Calendrier redoutable à marche forcée”

Les directeurs d'I.U.T. avaient souhaité que la réforme soit reportée à la rentrée 2022 mais le ministère de l'Enseignement supérieur a maintenu l'application à la rentrée de septembre. Le D.U.T. sera amené à disparaître en 2023. D’ici là, il y aura un cadre hybride avec les premières années du BUT et les dernières du D.U.T..

"Il fallait faire une réforme”, admet Caroline Mauriat, enseignante et cheffe du département Génie électrique et informatique industriel. “Peut-être pas celle-là, mais il fallait faire une réforme pour adapter les programmes aux nouveaux bacheliers qui arrivent à l'université avec la réforme du bac Blanquer. Mais c'est une réforme qui est précipitée dans son calendrier et qui n'a pas permis de consulter pleinement toute la communauté d'enseignants et d'enseignants-chercheurs des I.U.T.. La crise sanitaire n'a pas arrangé les choses.” 

Les programmes ne sont pas intégralement préparés. “Vu la contrainte calendaire, on n'a travaillé que sur la première année du programme du nouveau B.U.T., l'année prochaine on travaillera sur les programmes des années 2 et 3 donc on n'a pas vraiment de vision globale sur l'ensemble du programme. Il y a aussi la volonté de changer les pratiques pédagogiques, ce qui est compliqué en si peu de temps. Le diplôme sera davantage axé sur les compétences que sur les connaissances”, détaille Caroline Mauriat. 

Le directeur de l'I.U.T. de Paris, Xavier Sense, abonde : “La crise sanitaire n'a pas du tout facilité le travail et le calendrier est redoutable, à marche forcée. Pour penser une réforme qui a une ambition indéniable, il fallait un peu plus de temps mais le calendrier n'a pas été modifié.” Mais il ajoute confiant malgré tout : “Tout sera prêt pour septembre pour les futurs étudiants d'I.U.T. que nous serons fiers d'accueillir ! Qu'ils soient rassurés de ce point de vue-là !”

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