Déserts vétérinaires : les modalités du dispositif d'aide à l'installation sont définies

Une étude démographique financée par les organisations professionnelles vétérinaires a évalué à quarante le nombre de départements concernés par le phénomène de désertification vétérinaire.

© David Quint

Maud LAFON

Maillage vétérinaire

Adoptées définitivement le 18 novembre dernier, les aides à l'installation des vétérinaires et des étudiants vétérinaires dans les zones à risque de désertification vétérinaire viennent d'être précisées par deux décrets publiés le 13 mai. Ces textes prévoient notamment des montants maximaux et des durées minimales d'exercice par les vétérinaires. Ils concernent vétérinaires et étudiants vétérinaires.

Lutter contre la désertification vétérinaire en zone rurale est un dossier majeur pour la profession, traité comme il se doit par les instances professionnelles. Le 9 juillet 2020, lors de l'examen du projet de loi DDADUE (adaptation au droit européen) en séance publique, le Sénat avait validé un amendement permettant aux collectivités locales d'attribuer des aides à l'installation de vétérinaires, dans le but de lutter contre leur raréfaction dans certaines zones rurales. Cette décision avait été adoptée définitivement avec le reste de la loi par l'Assemblée nationale le 18 novembre (lire DV n° 1550).

Une étude démographique financée par les organisations professionnelles avait évalué à quarante le nombre de départements concernés par ce phénomène de désertification vétérinaire, notamment dans des zones à faible densité d'élevage.

Deux décrets du 11 mai, publiés au Journal officiel du 13 mai, précisent les modalités de ces aides à l'installation, l'un pour les vétérinaires et l'autre pour les étudiants.

Aux vétérinaires ou aux sociétés d'exercice

En ce qui concerne les vétérinaires, les aides peuvent être attribuées soit directement aux vétérinaires, soit aux sociétés d'exercice dans lesquelles ils exercent leur activité.

« Le bénéficiaire de l'aide doit être titulaire d'une habilitation sanitaire », précise le premier décret.

Les aides sont envisagées selon diverses modalités. Elles peuvent consister en :

« - la prise en charge, en tout ou en partie, des frais d'investissement ou de fonctionnement directement liés à l'activité de vétérinaire au profit des animaux d'élevage dans la zone concernée ;

- le versement aux vétérinaires exerçant à titre libéral dans cette zone d'une prime d'exercice forfaitaire ;

- la mise à disposition d'un logement ou d'un local destinés à faciliter l'activité des vétérinaires dans la zone ;

- le versement d'une prime d'installation ou la mise à disposition de locaux permettant l'exercice de l'activité dans la zone ».

« Le montant total des aides accordées par une ou plusieurs collectivités territoriales ne peut dépasser 60 000 euros par an et par bénéficiaire », poursuit le décret.

Etablissement de conventions

Elles feront l'objet de conventions établies entre le vétérinaire ou la société d'exercice vétérinaire bénéficiaire des aides et la ou les collectivités territoriales ou leurs groupements qui attribuent les aides.

Ces conventions précisent notamment « les engagements pris par le bénéficiaire en contrepartie des aides accordées ». Parmi elles, figure l'obligation pour le vétérinaire « d'exercer son activité et, le cas échéant, d'établir un domicile professionnel d'exercice, dans une zone définie en application de l'article L. 241-13 du Code rural et de la pêche maritime (CRPM)*pour une période minimale de trois ans » ; « d'assurer la continuité et la permanence des soins des animaux d'élevage » de ces zones ; « de restituer tout ou partie des aides perçues en cas de non-respect de ses engagements ou d'impossibilité de tenir ces derniers. Le montant des aides devant être restitué est calculé au prorata du temps pendant lequel les engagements n'ont pas été tenus ».

Indemnités de logement

Les conventions précisent également les conditions dans lesquelles les aides prennent fin lorsque le lieu d'exercice du bénéficiaire ou celui de son domicile professionnel d'exercice cesse d'être inclus dans une zone définie en application de l'article L. 241-13 du CRPM.

Le second décret publié concomitamment s'adresse aux étudiants. Il précise que lorsqu'elles ne mettent pas un logement à disposition des étudiants (...) effectuant un stage comprenant des mises en situation professionnelle de soins aux animaux d'élevage dans les zones éligibles aux aides, les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent accorder, pendant la durée du stage, seuls ou conjointement, une indemnité de logement dont le montant mensuel ne peut excéder 20 % du montant du salaire brut mensuel du premier échelon (élève non cadre) de la convention collective nationale des vétérinaires praticiens salariés.

Par ailleurs, « les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent allouer, seuls ou conjointement, une indemnité de déplacement aux étudiants (...) à l'occasion des déplacements effectués dans le cadre de leur stage et des trajets entre leur lieu d'études et leur lieu de stage ».

Le décret définit le montant annuel de l'indemnité d'étude et de projet professionnel qui « ne peut excéder le montant du salaire brut annuel du premier échelon (élève non cadre) de la convention collective nationale des vétérinaires praticiens salariés, auxquels s'ajoutent la possibilité de prise en charge des droits de scolarité ou des frais d'inscription acquittés chaque année par l'étudiant auprès de l'organisme de formation qui prépare au diplôme ».

Engagement pour cinq ans

Le contrat conclu entre l'étudiant et la ou les collectivités territoriales ou leurs groupements qui attribuent l'indemnité d'étude et de projet professionnel doit apporter plusieurs précisions et notamment « l'engagement de l'étudiant à exercer dans l'année qui suit l'obtention de son diplôme ou titre de formation vétérinaire (...) en tant que vétérinaire praticien inscrit au tableau de l'ordre dans l'une des zones définies à l'article L. 241-13 (du CRPM) en contribuant à la protection de la santé publique et en assurant la continuité et la permanence des soins aux animaux d'élevage pendant au moins cinq années consécutives ». Le contrat « peut prévoir une obligation d'installation du domicile professionnel d'exercice dans la zone précitée ».

Le Conseil régional de l'Ordre des vétérinaires compétent et le représentant de l'Etat dans le département du futur lieu d'exercice doivent être informés du contrat ainsi conclu.

Le décret ajoute que « le remboursement de l'indemnité et de la prise en charge des frais de scolarité perçus par l'étudiant est dû en totalité en cas de non-exercice ou le cas échéant de non-installation du domicile professionnel d'exercice dans la zone et à la date prévues contractuellement (...) et en partie si la durée d'exercice ou d'installation est inférieure à cinq ans ou à la durée prévue contractuellement ou si l'exercice est partiel par rapport aux dispositions prévues contractuellement ».

Les deux décrets sont entrés en vigueur le 14 mai.

* Qui définit les zones caractérisées par une offre insuffisante de soins et un suivi sanitaire insuffisant des animaux d'élevage, dans les zones rurales à faible densité d'élevages.

Gros Plan : « Ces aides sont un point de départ, pas une solution totale »

Le SNVEL* fait partie des organisations professionnelles vétérinaires qui ont oeuvré pour la mise en oeuvre d'aide à l'installation afin de pérenniser la présence vétérinaire en zones rurales. Son président, notre confrère Laurent Perrin, est donc satisfait de cette décision pratique même si elle ne suffira pas, à elle seule, à régler le problème du maillage vétérinaire. La définition des zones éligibles aux aides reste selon lui un point de grande vigilance.

La Dépêche Vétérinaire : Les modalités d'attribution de ces aides à l'installation sont-elles conformes à ce que vous souhaitiez ?

Laurent Perrin, président du SNVEL* : Cela fait de nombreuses années que nous alertons le ministère de l'Agriculture et les décideurs politiques de la tension sur le maillage en productions animales. Nous aboutissons enfin à des décisions pratiques pour maintenir une présence vétérinaire en proximité des élevages. Un point d'attention reste la définition des zones éligibles à ces aides : il faut être proactif et prospectif pour que la désignation de ces zones ne soit pas trop restrictive, anticiper pour les zones de tensions à venir en scrutant la démographie et la pyramide des âges des vétérinaires.

D.V. : Que pensez-vous des montants et durées d'installation définis ?

L.P. : Nous savons bien que ces aides ne pourront pas, à elles seules, régler tous les problèmes du maillage territorial. Quels que soient les montants et les durées, cela n'est qu'un complément, une aide au financement d'un collaborateur ou d'équipements mais seul un modèle économique viable (qui reste à construire avec les partenaires agricoles, notamment dans les zones de faible densité d'élevage) permettra aux vétérinaires de poursuivre leur engagement en productions animales au plus près des élevages.

Les textes ont la pertinence de favoriser les stages, condition sine qua none à une connaissance de la vie en régions et de l'activité vétérinaire en productions animales par les étudiants vétérinaires d'origine citadine, ce qui n'est pas un handicap si on se donne les moyens de les acculturer à l'exercice et la vie en milieu rural, ce qui sera possible avec les aides prévues.

Pour les aides à l'installation et à l'exercice en productions animales, il faut compenser les handicaps en zones peu denses (coût des déplacements en exploitation, coût de le permanence et continuité de soins (PCS) indispensables mais non amorties par le peu d'intervention). Il nous faudra donc veiller collectivement à ce que ceux qui bénéficieront de ces aides ne se retrouvent pas dans des situations intenables et que ces aides puissent aussi faciliter l'intégration de jeunes (ou moins jeunes) dans des établissements déjà existants afin de partager, notamment, la charge de la PCS.

D.V. : Ces aides seront-elles, à votre avis, suffisantes pour résoudre le problème de pérennité du maillage vétérinaire dans certaines zones ?

L.P. : Comme je viens de le dire, ces aides sont un point de départ, pas une solution totale, le point critique restant la viabilité à long terme de l'activité en productions animales dans les territoires si on ne veut pas aboutir à un modèle totalement administré et subventionné généralisé qui sera pourtant, peut-être, la solution dans les zones les moins denses.

Les travaux sur le suivi sanitaire permanent, la télémédecine, une juste rémunération (y compris hors des périodes de crise) des missions du mandat sanitaire, de l'épidémiosurveillance et de la disponibilité du maillage en période de crise, doivent venir sécuriser l'économie des vétérinaires de proximité.

D.V. : Quelles sont vos craintes ?

L.P. : Plutôt que des craintes, ce sont des points de vigilance déjà évoqués. Il faut être attentif à ne pas favoriser une présence atomisée sur le territoire qui entraînerait du mal-être vétérinaire et un abandon dans des délais courts, attentif à ne pas déséquilibrer la situation précaire par des installations en concurrence avec le tissu existant. Il faut favoriser l'exercice en association ou en réseau plutôt que l'exercice individuel pur et dur.

Il reste tout de même une crainte : la publication des textes définissant les zones éligibles, crainte concernant les délais de publication et le périmètre des zones choisies. Une autre est le délai de mise en place sur le terrain, il sera bientôt trop tard en particulier pour l'exercice auprès des bovins.

* SNVEL : Syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1575

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