Ça devait être un rassemblement bon enfant pour fêter la fin de la Redadeg, cette course de relais qui traverse la Bretagne pour défendre la langue bretonne. Finalement, les organisateurs préparent, samedi 29 mai après-midi, à Guingamp (Côtes-d’Armor), le défilé d’un cortège de plusieurs milliers de manifestants. « Nous sommes en colère et écœurés. Nous dépensons notre temps et énergie à bricoler pour la survie du breton tandis que certains, à Paris, font tout pour achever notre langue », s’agace Fulup Kere, coprésident de la Redadeg.
Comme à Pau, Bayonne, Perpignan, Bastia et dans des dizaines de villes, le rassemblement breton dénoncera la « défiance jacobine » envers la loi sur la préservation et la promotion des langues régionales. Ce texte porté par le député morbihannais Paul Molac (ex-La République en marche, Libertés et Territoires) a été retoqué par le Conseil constitutionnel, vendredi 21 mai. L’institution a déclaré deux pans majeurs de la loi inconstitutionnels : l’enseignement immersif et l’usage des signes diacritiques comme le tilde (dans le prénom Fañch par exemple) dans les actes de l’état civil.
La décision agace d’autant plus que le Conseil constitutionnel a été saisi après le vote en seconde lecture à l’Assemblée nationale, le 8 avril, par une soixantaine de parlementaires de la majorité présidentielle encouragés par Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale. Une « manœuvre d’un état centralisateur » vécue comme un « coup de poignard » par les élus bretons de tout bord et particulièrement pour les « marcheurs ». Une « nouvelle agression » pour les militants.
En Bretagne, l’incompréhension dépasse largement les milieux politique et bretonnant. Dans les tissus culturel, économique, associatif… nombre de Bretons se sentent concernés. « S’attaquer au breton, c’est s’en prendre à la Bretagne. Cet épisode est vécu comme une négation de l’identité bretonne. L’amour de notre région nous unit, tous, dans ces temps où le lien social est en déliquescence », constate Jacques Delanoë, président du conseil d’administration du Stade rennais. Comme de nombreuses entreprises, associations ou institutions, le club de football de la capitale bretonne s’appuie sur des symboles régionaux pour fédérer. Majoritairement non brittophones, les supporteurs rennais siègent, par exemple, dans un stade rebaptisé, en 2015, « Roazhon Park » et écoutent le Bro gozh ma zadoù, l’officieux hymne breton, avant chaque rencontre. Ces marqueurs identitaires sont accueillis comme des évidences par les habitués, tant le sentiment d’appartenance à la région est partagé et assumé dans la péninsule.
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