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Le développement durable entre par la petite porte dans les cursus

Les étudiants, notamment dans les écoles d’ingénieurs, ont pris conscience de leur responsabilité face à l’urgence climatique et exigent maintenant d’être formés sur les sujets qui touchent au développement durable et à l’environnement. Jean-Christophe MARMARA/Le Figaro

FIGARO DEMAIN - Les étudiants font pression pour intégrer la transition environnementale dans leurs programmes.

«Demain, vous serez les médecins de la planète!» C’est avec cette phrase lourde de responsabilité que Philippe Dépincé, directeur de Polytech Nantes, a coutume d’accueillir ses élèves dans le cycle ingénieurs. Encore faut-il que les jeunes aient les connaissances nécessaires. En mars 2019, seules 24% des formations abordaient les enjeux climat-énergie et 11% proposaient des cours obligatoires sur ce sujet, révélait un rapport du Shift Project, qui a passé au peigne fin les formations de 34 établissements d’enseignement supérieur.

De leur côté, les étudiants ont pris conscience de la charge qui pèse sur leurs épaules face à l’urgence climatique. Depuis deux ans, ils exigent d’être formés décemment sur ces sujets. En septembre 2018, près de 33.000 d’entre eux se sont ralliés au Manifeste pour un réveil écologique, suivi par des grèves massives pour le climat. Des étudiants de plusieurs grandes écoles ont par la suite signé des lettres ouvertes à leur direction pour que ces enjeux soient systématiquement enseignés: l’Institut Mines-Télécom (IMT), HEC, Dauphine… «Le rapport de force est en faveur des étudiants», se réjouit Amélie Deloche, porte-parole du collectif Pour un réveil écologique. «Les établissements réalisent qu’ils peuvent être effacés du paysage s’ils ratent la transition!» constate Yannick Morel, diplômé de Centrale Supélec et cofondateur de Latitudes, une association de conseil en ingénierie pédagogique.

De fait, les directions de plusieurs écoles d’ingénieurs ont réagi sous la pression. Le Groupe Insa, qui forme 10 % des ingénieurs en France avec 14 établissements, s’est ainsi lancé en 2020 dans une réforme en profondeur de ses enseignements, accompagné par le Shift Project, afin de «repositionner l’ingénieur dans la société et l’économie» (1). Une expérience à large échelle qui devrait aboutir à la fin de l’année. L’IMT et l’École nationale des ponts et chaussées travaillent, eux, à un tronc commun de formation à la transition écologique en impliquant les étudiants. À l’Université technologique de Compiègne (UTC), le Collectif ingénierie soutenable mêle étudiants et enseignants-chercheurs pour inclure davantage de sciences sociales dans les cursus scientifiques et développer une pensée systémique plurielle dans les enseignements. L’Observatoire des formations citoyennes, de son côté, coache les étudiants à la recherche en sciences humaines et sociales, pour qu’ils pèsent sur l’évolution des formations d’ingénieurs de leur établissement. Quelques écoles de commerce tirent leur épingle du jeu, comme l’Essec, poussée par le groupe d’étudiants Essec Transition, qui a enclenché une démarche stratégique de transition écologique et sociale, ou l’ESC Clermont Business School, avec son master en sciences «Stratégie et design pour l’anthropocène», qui recrute sa deuxième promotion.

En deux ans, une véritable dynamique s’est créée dans ces établissements pionniers, mais «ces écoles sont encore trop peu nombreuses, et leurs avancées trop peu ambitieuses», dénoncent des étudiants de l’IMT, Dauphine, HEC et de l’Institut Agro-Montpellier SupAgro dans une tribune publiée le 7 avril 2021 dans Les Échos. 15 % seulement des établissements déclarent vouloir former tous leurs étudiants aux enjeux de transition écologique, d’après le Grand Baromètre de la transition dans l’enseignement supérieur (2), une enquête du collectif Pour un réveil écologique. Sachant que ce faible taux est extrait d’un échantillon d’établissements volontaires…

Situation schizophrénique

«Les écoles de commerce peinent à abandonner les paradigmes économiques actuels», déplore Amélie Deloche, qui pointe une situation souvent schizophrénique pour leurs étudiants engagés dans la transition. Dans les écoles d’ingénieurs, les enseignants-chercheurs sont peu à l’aise pour aborder des sujets qui sortent de leur spécialité. Il s’agit également de choisir quels enseignements abandonner au profit de ceux de la transition sans nuire à l’employabilité des futurs diplômés. Car les entreprises n’avancent pas au même rythme… «Elles doivent se transformer, sans forcément savoir exprimer leurs attentes. Tout l’enjeu est de former des étudiants capables de les traduire, mieux que les entreprises elles-mêmes!» résume Valérie Moreau, professeur à l’UTC. Or, si les dirigeants veulent attirer de jeunes talents, il va falloir qu’ils valorisent les compétences liées à la transition écologique. 70 % des étudiants considèrent en effet que l’impact environnemental d’une entreprise pèse sur leur recherche d’emploi, d’après la dernière consultation nationale étudiante réalisée en 2020. Un rapport de force qui s’annonce, là encore, en faveur des jeunes.

(1) «Former l’ingénieur du XXIe siècle. Intégrer les enjeux socio-écologiques dans les formations du groupe Insa», rapport intermédiaire du Shift Project, février 2021.

(2) «L’écologie
aux rattrapages. L’enseignement supérieur français à l’heure de la transition écologique: état des lieux et revue des pratiques», rapport du collectif Pour un réveil écologique, février 2021.



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1 commentaire
  • Floch23

    le

    Oui pour " Les médecins de la Planète " bien d' accord. L' objectif à toujours été "apprendre à faire du profit, rechercher le profit , toujours plus de profit " pour l' entreprise pourquoi pas d' accord s' il y a redistribution des profits pour tous les salariés du bas de l' échelle jusqu' au plus haut mais cela n' a même jamais bien été le cas ..on a eu par contre " beaucoup de profit , toujours plus pour les poches de quelques uns seulement hélas , toujours plus pour quelques tiroirs caisses seulement... ) ...toujours plus...et au bout du compte la Planète se trouve en danger ....il faut changer en effet très vite certainement le " logiciel toujours plus " et le remplacer en effet sans doute par un logiciel " protection de la Planète , développement durable, .. " la survie de la Planète donc celle de l' humanité en dépend certainement ..il faudrait même que nous y soyons formés dès l' école et ensuite tout au long de notre passage sur cette Terre....

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