Ils ont revisité leurs choix d’études ou affirmé leurs convictions politiques, réévalué l’importance de leurs liens familiaux, amicaux, ou de leur cadre de vie. Beaucoup évoquent une colère, une frustration latente. Mais aussi un besoin, après ce traumatisme, de prendre soin de leur santé mentale, abîmée par les privations et la solitude. Tous le disent : cette période de pandémie de Covid-19 les a transformés.
C’est ce qui ressort d’un appel à témoignages lancé par cinq médias européens (Le Monde, The Guardian, La Vanguardia, Süddeutsche Zeitung, La Stampa) auprès des 18-25 ans, sur leurs sites et les réseaux sociaux. Plusieurs centaines de réponses ont été reçues.
L’enjeu : comprendre comment cette génération, entrée dans l’âge adulte d’une manière inédite, gardera trace de cette sidérante période. Et quelle en sera la traduction politique et sociétale, pour ces jeunes amenés à constituer les forces vives de l’Europe dans les années à venir. « Tout le monde se souviendra de cet épisode. Mais en particulier les jeunes, car ils sont plus sensibles à ce qu’ils vivent pendant ces années de construction », avance Camille Peugny, sociologue spécialiste de la jeunesse, professeur à l’université de Versailles-Saint-Quentin.
Depuis mars 2020, le Covid-19 les a en effet réfrénés pendant des années-clés : celles où l’on choisit ses études et sa trajectoire, où l’on expérimente l’autonomie, où l’on noue des amitiés durables et où l’on se construit dans la confrontation aux autres, où l’on se forge une conscience politique… « La génération de ma grand-mère a eu le Blitz, nous avons cette pandémie », livre Eleanor Paisley, 23 ans, étudiante en philosophie à l’université d’York (Royaume-Uni).
A lire les réponses reçues par ces jeunes - en majorité des étudiants ou des jeunes actifs diplômés, loin de représenter l’ensemble de la jeunesse - une chose frappe : tous témoignent des mêmes douloureuses épreuves, de Pise à Londres en passant par Séville ou La Roche-sur-Yon : atomisation de leur vie amicale, culturelle et amoureuse, annulation de leurs projets, de leurs séjours à l’étranger, cours en ligne insatisfaisants, difficultés à trouver un emploi, apparition de crises d’anxiété…
« Jeunesse volée »
Qu’en restera-t-il pour demain ? D’abord, cette conscience que rien ne va plus de soi. Que tout peut basculer du jour au lendemain. Que ce qu’on prenait pour normal hier – aller chez ses parents, avoir un professeur devant soi, partir en Erasmus – peut disparaître du jour au lendemain.
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