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Les promesses en suspens du numérique éducatif

La stratégie mise en place suite aux Etats généraux n’a pas permis de véritables avancées sur le terrain

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Publié le 02 juin 2021 à 12h00, modifié le 15 juin 2021 à 18h22

Temps de Lecture 4 min.

Préparation du grand oral au lycée George-Sand, à Domont (Val-d’Oise), le 4 mars.

Après « le choc brutal » du passage des cours en distanciel, Mathieu Moury, professeur d’histoire-géographie au lycée Ernest-Bichat de Lunéville (Meurthe-et-Moselle) et correspondant numérique, a accueilli « avec intérêt » le lancement, en juin 2020, des Etats généraux du numérique pour l’éducation (EGN). Il s’agissait de tirer les leçons du premier confinement et de co-construire une stratégie numérique consolidée et partagée. La concertation, territoriale puis nationale, a débouché sur 40 propositions : mêlant grands principes et solutions concrètes, elles visent la réduction de la fracture numérique, un enseignement plus efficace ou le développement d’un numérique souverain. Tout un programme. Six mois plus tard, le scepticisme prévaut dans les salles de classe.

Le « méga-bug » de l’enseignement à distance du 6 avril, lors du retour de l’école à la maison, a montré les limites de la stratégie de continuité pédagogique des derniers mois. Le ministère de l’éducation nationale a renvoyé une partie de la responsabilité sur les collectivités, chargées des équipements et des réseaux ; lesquelles lui ont reproché son manque de « régulation des usages ».

Socle numérique minimal

Si ces renvois de balle montrent qu’on est loin d’une gouvernance participative, « avec la gestion de la crise sanitaire et les EGN, une dynamique est enclenchée. Il y a une volonté de travailler davantage ensemble, et mieux, estime Marie-Caroline Missir, qui dirige Canopé, réseau de création et d’accompagnement pédagogiques. Même s’il est difficile de mettre de l’horizontalité dans un système très vertical. »

Ce qui a été accompli autour de la gestion des espaces numériques de travail (ENT) a notamment commencé à faire progresser le dialogue entre l’Etat, les services déconcentrés et les collectivités.

La continuité pédagogique passe notamment par l’instauration d’un socle numérique minimal. Un appel à projets financé à hauteur de 105 millions d’euros grâce au plan de relance, aidera les communes volontaires à équiper les écoles élémentaires, moins bien dotées en ordinateurs, vidéoprojecteurs ou ENT.

Les Etats généraux du numérique ont aussi rappelé la nécessité d’accompagner les enseignants. Rare proposition concrétisée à ce jour, la prime annuelle de 150 euros, versée pour la première fois en janvier, doit leur permettre de s’équiper progressivement.

Articuler présentiel et distanciel

Autre priorité : le renforcement de la formation initiale et continue. « Mieux vaudrait parler d’amorce », ironise Joël Lamoise, secrétaire national du SNPDEN-UNSA, le syndicat de chefs d’établissement, pour qui « l’effort reste très insuffisant ». Depuis le premier confinement, Canopé a développé des webinaires pour aider les enseignants à articuler présentiel et distanciel, gérer les questions de stress ou les élèves en difficulté. Ces séquences ont réuni plus de 170 000 participants.

« C’est une offre intéressante, reconnaît Stéphanie de Vanssay, conseillère nationale éducation au syndicat SE-UNSA, mais globalement, les enseignants manquent de temps pour se former, d’autant que dans le second degré, c’est optionnel… »

Les académies sensibilisent les établissements à la protection des données personnelles, alors que l’utilisation par les enseignants de solutions ne respectant pas le règlement européen pour la protection des données (RGPD) a relancé le débat. Mais il manque des relais sur le terrain.

Le développement de logiciels libres et gratuits, jugés plus protecteurs, reste une « priorité », assure-t-on rue de Grenelle. Un vœu pieux, selon les spécialistes : « C’est très compliqué, il faut que le logiciel libre soit pérenne, que les communautés qui sont derrière le fassent vivre », décrypte un délégué académique à la protection des données.

Rares sont les enseignants à s’être engagés dans un dispositif d’autocertification des compétences, via PIX. Ce service public en ligne « constitue pourtant un moyen vertueux de faire progresser la culture numérique », estime Mathieu Moury. PIX, qui devait être généralisé pour la première fois cette année en 3e, terminale, CAP et deuxième année de BTS et de classes préparatoires aux grandes écoles, sera facultatif pour les élèves.

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Eux aussi sont insuffisamment acculturés au numérique. Mathieu Moury et ses collègues ont consacré deux heures à aider les élèves du lycée à s’emparer de l’ordinateur portable, fourni par la région, qu’ils manient d’une main, « comme un Smartphone ».

Accompagnement des familles

Toutes ces dimensions devraient être prises en compte dans les Territoires numériques éducatifs (TNE). L’Aisne et le Val-d’Oise testent depuis septembre ce programme combinant équipements, ressources pédagogiques et formation des enseignants et des parents. Un investissement de 27,3 millions d’euros sur trois ans. L’expérimentation, dont l’originalité réside principalement dans l’accompagnement des familles, sera étendue à la rentrée à dix nouveaux départements.

TNE doit soutenir les entreprises de la filière du numérique éducatif (EdTech) à travers l’acquisition par Canopé de ressources pédagogiques. Une promesse qui devrait se concrétiser « dans les prochaines semaines », rassure Marie-Caroline Missir, alors que les industriels du secteur s’inquiètent de ne pas voir arriver les millions d’euros annoncés.

Après le rachat, en décembre 2020, aux côtés de la filière numérique du groupe La Poste Docaposte, de l’éditeur du logiciel de vie scolaire Pronote, la Banque des territoires compte, elle, investir à titre minoritaire d’ici à 2022, dans 5 à 10 start-ups spécialisées dans l’inclusion et la réduction des inégalités scolaires. Un enjeu indissociable d’une politique réussie.

Cet article est réalisé dans le cadre d’un partenariat avec In-FINE, forum international du numérique pour l’éducation.

Deux journées de débats

In Fine, Forum international du numérique pour l’éducation, propose les 3 et 4 juin deux journées de débats, en clôture du cycle initié le 11 mars – 70 débats animés par plus de 270 intervenants. Accessibles en ligne sur la plate-forme www.in-fine.education, la parole y sera donnée à des enseignants, des formateurs, des chercheurs, des collectivités… In Fine, organisé par une dizaine d’acteurs publics nationaux ou territoriaux, a notamment proposé plusieurs temps forts, dont Le Monde est partenaire, autour des thèmes « Eduquer au numérique », « Transformer les pratiques pédagogiques » et « Accompagner les parcours d’apprentissage ».

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